Planchon, Erlo…
Idoles Déboulonnées

 par André Mure

Quelle entreprise de démolition que ce siècle finissant! Mère Térésa, en a peut-être, la seule, réchappé… puisque l'abbé Pierre, lui même…
Chacun a vu ses idoles massacrées, réduites en miettes et disparues à jamais de la cheminée imaginaire où s'alignent les maîtres à penser, les exemples qui fleurissent une vie. R.Planchon

Roger Planchon d'abord. Il débuta dans une troupe d'amateurs, chez Suzette Guillaud. Puis ce fut la riche aventure de la rue des Marronniers, toute cette ferveur. Enfin, le TNP, ses mises en scène, ses pièces, ses films. Les militants toujours présents, heureux de suivre cette carrière mémorable. Et puis voilà qu'une méchante campagne de presse l'accuse de vouloir faire "du fric" avec la vente de ses CNP. A la récente présentation de la prochaine saison de Villeurbanne, Roger, tassé sur sa chaise, parut incapable de répondre aux assaillants. D'où malaise. Et "les vieux de la vieille" malheureux qui ne comprennent plus.

Louis Erlo, ensuite. Ce jeune électricien qui se révéla génial metteur en scène de lyrique En 1969, la ville de Lyon le chargea de créer "l'Opéra nouveau". Une opération qui fut reconnue rapidement comme une réussite exemplaire. Il avait fait appel à Biaggi pour créer un corps de ballet. Déclic qui allait faire de notre ville une capitale de la Danse, Guy Darmet aidant. Avec Jean-Pierre Brossmann, l'équipée se poursuivit jusqu'à la retraite. Avec, en points très forts, la création de l'Orchestre de l'Opéra - John-Elliot Gardiner et Kent Nagano - et la rénovation complète du bâtiment par Jean Nouvel. Mais voilà qu'au moment du départ, fleurissent des rumeurs de gaspillages ,excès de dépenses et autres "abus de biens sociaux" selon la formule consacrée. Là aussi, on tire sur l'idole, comme à la foire, pour la détruire. Et tous les fidèles souffrent, ne savent plus que croire. L.Erlo

Je pense que pour Erlo comme pour Planchon, il faut prendre du recul et réfléchir.
C'est la mode aujourd'hui de tout nier, et de remettre en cause.
Mais il faudrait aussi que chacun applique à lui-même cette demande d'absolu qu'il exige des autres. Dans notre histoire culturelle, il est certain que Roger Planchon et Louis Erlo ont écrit des pages exemplaires, des pages qui ne s'effaceront pas.
Même s'il leur est arrivé de pécher - qui ne l'a fait? Il faut remettre en perspective l'ensemble de leurs actions, en regard de reproches médiocres et discutables.
Le bilan est éclatant. Il s'impose à tous!
Gardons à Roger Planchon et Louis Erlo l'admiration et la gratitude qu'ils méritent.

ANDRE MURE a été chargé de mission auprès du ministre de la Culture Jack Lang. 
De 1988 à 1995, et adjoint à la culture du maire de Lyon Francisque Collomb de 1977 à 1989.

Photos: R.Basset et G.Verneret