Combat Cordat: Le Pez Ner  

 par Andrea Petrini

 

Pasionara, Marie Claire Cordat aligne les combats comme d'autres les stages. Depuis plus de quatre ans en tête de peloton de l'aventure du Pez Ner, elle se démène pour prouver la solvabilité de ce haut-lieu de la scène villeurbannaise. Un laboratoire ouvert à toutes les expériences dont la raison sociale revendiquée est de dynamiter les cloisons. De télescoper les langages pour mieux rapprocher musique(s), arts plastiques, littérature et performance sous le signe d'un art total que Artaud n'aurait pas renié. Quelque chose comme le vieux mot d'ordre de John Cage qui rêvait, on s'en souvient, d'écouter toutes les musiques du monde - mais en même temps. Il y a de l'utopie, certes, chez les francs-tireurs du cours Tolstoï. Mais aussi beaucoup de lucidité, du courage et une infinie opiniâtreté qui a poussé, se rappelle Marie Claire Cordat, ce groupe de complices RMIstes à mener cette aventure ensemble "parce qu'on avait du vécu à partager". A 32 ans, Marie Claire Cordat n'a pas chômé: "avant le Pez Ner, j'avais lancé un espace de rencontres, L'Exit, ainsi qu'une galerie rue des Tables Claudiennes".

Christophe, le responsable de la programmation musicale du Pez Ner, s'occupait de Central Service, un magasin de disques branché "indus". "Les institutions à Lyon nous avait fait comprendre que jamais on aurait un lieu à nous." Restait la périphérie… Coup de bol, la mairie de Villeurbanne les accueille à bras ouverts. Et décide d'accorder aussi 100 000F de subventions annuelles. Un imprimatur officiel à la symbolique de carte blanche. "On a tout fait nous mêmes et démarré avec quatre bouts de ficelle. Notre force: l'enthousiasme. Et une envie: se mouiller, mettre toujours la charrette avant les bœufs.

Pour légaliser des musiques underground. Et signifier, à ceux qui veulent bien l'entendre, que nous ne sommes pas des marginaux. En deux ans de pignon sur rue, on l'a vérifié, notre public va des vingt aux cinquante ans. De plus en plus de gens commencent à en avoir marre de la soupe qu'on leur fourgue d'habitude. Ils sont plus curieux qu'on ne le pense. Chez nous, ils trouvent d'autres plaisirs musicaux. Des artistes qui travaillent tout à la fois le son, l'image, l'espace et la scène.
Le public et les techniques doivent se confondre. On peut venir au Pez Ner pour un concert mais on peut aussitôt zapper sur une expo, des conf', des rencontres et des installations. Il faut faire sauter les barrières entre les langages. Sinon les danseurs restent avec les danseurs, les musicos avec les musicos et les littéraires avec les littéraires, bref c'est la lobotomie…"

Si la programmation du Pez Ner se fait au jour le jour en synergie rapprochée avec d'autres réseaux de diffusion alternatifs à échelle européenne "pour partager les frais et profiter des tournées déjà mises sur pied", elle ne cède jamais sur ses strictes critères de sélection. Trop "indus", le Pez Ner? C'est l'avis de certains. Pour nous ce serait: éclatée et volontairement indéterminée. Du rock et du hardcore. Du jazz radical et des musiques improvisées. Du trash metal et de l'acousmatique. De l'industriel et du robotique. De l'acoustique et de l'ethnique. Bref, de l'humain et de la technologie dans tous ses états.
Marie Claire Cordat conclut ainsi: "l'art pour moi, c'est un moyen pour abattre temps et frontière. Une sorte de religion qui demande un dévouement à plein temps pour lutter contre inerties et fanatismes". 

Pez Ner, 87 cours Tolstoï, Villeurbanne - Tel: 04 78 68 86 78
 
pezner@imaginet.fr