Les petits enfants
d’Apple et de Monicoca

par Dominique Dubreuil

Pour saluer mars
Récital soliste? Fou de Ravel? Baroqueux impénitent? Curieux de Chausson? Fan de Musiques en Scène? Ou, pour être parfait, tout cela à la fois: demandez les programmes! 

Vous en êtes “resté” au principe du récital soliste de votre jeunesse (mais pourquoi diable ces actions-là ont-elles baissé?), voici donc des pianistes rares au plein sens du terme, qui implique l’exquise qualité de leur pianisme musical. Deux sont invités par l’Association Chopin à la salle Molière, pour chanter dans l’arbre généalogique de cette très honorable institution et aussi dans le leur: programmes Chopin, donc, pour Dominique Merlet (vendredi 5 ) et Marc Laforet (vendredi 26). Le troisième est aussi portrait du soliste, Alain Planès: Haydn, Janacek, Debussy (mardi 23 et mercredi 24). 

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Daniel Kientzy, photo Loan Giroudon

 

PETIT MAURICE, BAROQUE, SYMBOLISTE
Vous êtes fou de Ravel, et vous désirez suivre les étapes du feuilleton consacré par l’ONL et l’Opéra au “petit Maurice”? A l’Auditorium, F.R. Duchâble dans le Concerto pour la main gauche (Ma Mère l’Oye, la Pavane, la Valse), dirigé par E.Krivine (jeudi 11). A l’Opéra: une nouvelle production de l’Enfant et les Sortilèges (avec l’Heure Espagnole), conduite par L. Langrée (2,4,5,7,8,10 et 11), le Trio et la sonate violon-violoncelle (27).

Vous privilégiez le baroque? Au CNSM, Wieland Kuijken explore Marin Marais, Forqueray et Couperin (jeudi 11), et un vaste rassemblement des CNSM (Paris, Lyon) et du CNR (Lyon) fait suivre en temps pascal la Passion selon St Matthieu de Bach (mardi 23).Le Concert de l’Hostel Dieu conduit dans les Ténèbres d’une Leçon de Nicolas Bernier (mardi 30 et mercredi 31). Le Trio Hantaï (Grands Interprètes) navigue en sonates et trios de Bach (mercredi 24).
En co-production avec la Monnaie de Bruxelles, un des grands opéras du XVIIème italien: la Calisto de Cavalli, ou comment Jupiter et les autres olympiens jouent sans trêve aux métamorphoses. René Jacobs dirige, Herbert Wernicke met en espace ( 23, 25, 27 et 29). Et dans le seria remis en situation par le Chevalier Gluck à la fin du XVIIIème la version de concert d’Iphigénie en Tauride, par Marc Minkowski (dimanche 14). 

Vous célébrez les anniversaires? Celui de la mort d’Ernest Chausson (1899) se marque entre autres par des concerts. La Symphonie et deux Hymnes (CNR, Lyon-II, dimanche 14) inaugurent toute une semaine consacrée à ce compositeur symboliste de la fin du XIXème et alternant, dans le cadre d’un colloque, musique de chambre et conférences (Université Lyon-II, CNR, Musée des Beaux-Arts).

 

VERS UN IMPERIALISME NORD-AMERICAIN?
Mais le grand carrefour du mois, c’est la manifestation annuelle et festivalière de MUSIQUES EN SCENE. La musique du XXème récent y paraît dans toute sa gloire, et ce soleil (parfois quasi-baroque dans le genre théâtre musical ou performances…) devrait nous changer un peu du “vieil hiver faustien” qui s’éternise en chutes de neige et avalanches.
Le GRAME qui pilote son festival s’est donné des thématiques du côté de la géographie. Après l’Italie, la Chine, la Hongrie et la Roumanie, voici donc les Nord-Américains pour saluer la fin du millénaire. Et c’est un monde musical bien particulier, avec son rejet de l’ordre-et-la-loi-de-vieille-Europe, ses grands souffles d'air, son non-conformisme éventuellement hyper-conformiste. Histoire de famille, aussi? Car si on survole la planète des concerts, on s’aperçoit que les hommages sont ici nombreux aux différentes générations du mythe américain.

 

ANCETRES ET JEUNOTS
Et tout d’abord l’ancêtre admirable, arrière-grand père bienveillant et zen qui fit voir autrement la vie musicale et la nécessité de son hasard: John Cage (5 mars). Et deux autres de la même génération: un quasi-méconnu, Harry Partch, luthier-bricoleur d’octave divisée en 43 et un ex-inconnu montant désormais au panthéon (6 mars), Conlon Nancarrow, hyper-rythmicien génial pour pianos mécaniques (19). Sans négliger le plus “classique” Elliott Carter, au langage plus “H.S.P. bostonienne”. Avec un salut à leur collègue aristocrate romain qu’on crut relégué jusqu’à en mourir aux catacombes de la Ville Eternelle, Giacinto Scelsi (16: l’opéra de chambre Khoom)… Puis les parents fondateurs et pontifes du répétitif-et-planant (avec le grand-père Morton Feldman): Steve Reich (City Life, 12; 13), Terry Riley, Phil Glass, mais aussi la grande ombre du cousin pas sortable, Franz Zappa (12) et le plus classique George Crumb. Le minimaliste (un Anglais, mais cela fleure bon l’hypnose post-tonale américaine!) Gavin Bryars ne saurait que s’opposer au Stanfordien John Chowning, lui-même heureux papa de toute la génération informaticienne de la Computer Valley.

L’inévitable Estonien Arvo Pärt sert-il de paratonnerre du côté grand public à d’autres comme le petit cousin Canadien (né en Espagne) José Evangelista (portrait le 4), à moins que ceux d’entre Rhône-et-Saône (affluents peu connus du Mississipi) n’y abritent leurs affinités avec le tout-informatique (P.A.Jaffrenn ou, J.Giroudon, J.F.Estager, Y.Orlarey? D’autres noms apparaissent, un peu surprenants et sans doute surpris d’être versés au melting-pot: B.Ferneyhough, M.Levinas, M.Ohana, I.Xenakis ou notre compositeur en résidence à l’ONL,P.Hersant… En tout cas, l’Opéra est très engagé avec Neige, vidéo-lyric de Vincent Carinola et l’Oracle de voyage deP.A.Jaffrennou. Et le côté théâtre instrumental -performance qui fit les petites aubes du GRAME ressurgit avec la Machine à mouler les secousses de Woudi ou les “saxologies” à têtes multiples de Daniel Kientzy… Sans oublier, bien sûr, le ciné-sonore-permanent du Musée d’Art Contemporain, dont les dates généreuses (du 12 février au 11 avril) débordent largement le 2/24 mars du Festival proprement dit.
Et pour paraphraser Jean-Luc Godard: “Que sont donc les petits enfants d’Apple et de Monicoca?”  
Hors Festival, ne pas négliger: une soirée-rencontre autour de Michael Jarrell (CNSM,10 mars), et les incursions de B.A.Zimmermann (à côté de la IXème de Schubert, 4,5 et 6, dir. M.Schönwandt), Florentz (2 et 3 avril), et à nouveau Philippe Hersant (22 mars)dans les programmes symphoniques ou chambristes de l’ONL. 

 

Vu entendu aimé moins aimé

Que dire de Zelmira, vaste machinerie rossinienne livrée clés en mains à l’Opéra lyonnais par le festival de Pesaro? Les amateurs de bel canto - et Dieu sait qu’il en existe sous la coupole de Nouvel!- y auront trouvé leur bonheur, mais fassent les cieux qu’ils n’en redemandent pas trop souvent… Avec une musique hyper-professionnelle et qui coule aussi intarissablement que les factures de la Lyonnaise des Eaux (excellente direction de M.Benini, chant de P.A.Kelly, Ch.Workman, Sonia Ganassi et surtout Mariella Devia), la dramaturgie de ce seria post-classique voudrait montrer Lesbos (!) sans Sapho mais avec une Zelmira dont les malheurs familiaux, rappel des histoires lacrymales du Senor Oliveira da Figuera dans Tintin, ne s’arrêtent jamais.

 La rhétorique décorative et scénique de Yannis Kokkos est peut-être sournoisement auto-ironique, mais on a surtout envie de crier: “Au feu les Pompiers!” tant l’entreprise évoque la machinerie académique des peintres officiels fin XIXème, J.P.Laurens et Paul Delaroche. Sous cet angle: indéfendable. (24 janvier/1er février).

 

DE CLAUDE PREY A PHILIPPE HERSANT
Opéra Nouveau, disait-on dans les années 70… Discrètement, le CNSM a rendu hommage à l’un des compositeurs-fétiches du temps de Louis Erlo, Claude Prey

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: Ingrid Perruche, photo Blaise Adilon

(1925-1997). Ce pionnier du théâtre musical à la française et dans l’esprit d’Avignon fut trop vite oublié, y compris de son vivant: sa culture musicale et littéraire, sa constante subtilité d’écriture, sa modestie le mettaient hors-circuit médiatique. La reprise -presque une création posthume! - de Donna Mobile a été une fête de l’esprit, étude sans pédantisme sur les langages, toute en facettes stylistiques d’un bonheur sans complaisances. Etonnant travail d’interprétation de la soprano Ingrid Perruche, mise en espace musical (Th.Ravassard) et scénique (J.P.Amy) parfaitement lumineuse (26-28 janvier).
L’épopée-oratorio de Josef Haydn, La Création (1798) réclame l’ampleur, le souffle, l’audace fusionnelle: on eut tout cela dans la direction de Graeme Jenkins pour l’ONL, les chœurs de B. Têtu, et quatre solistes (T.Robinson, M.Volle, F.Biscarra et surtout Vasiljka Jezovsek). (28 et 30 janvier). Très schubertien (la Vème, Rosamunde), le chef Gerard Korsten sut également galvaniser l’ONL pour donner au fort noble et rêveur 1er Concerto de violoncelle (Nicolas Hartmann) de Philippe Hersant sa dimension de musique humaniste. (22 janvier).


 Salle Molière: 18, quai de Bondy - 69005 - LYON
  Association Chopin: Tel. / Fax: 33.04.72.71.81.93

 Salle Molière: 18, quai de Bondy - 69005 - LYON
  Société de Musique de Chambre: Tel. / Fax: 33.04.78.25.15.94

 Auditorium Maurice Ravel: 149 rue Garibaldi 69003 - LYON
  Orchestre National de Lyon:Tel. 04.78.95.95.95

 Opéra de Lyon: Place de la Comédie - 69001 - LYON 
Tel. 04.72.00.45.45
http://www.opera-lyon.org

 Conservatoire National Supérieur de Musique de Lyon: 3, quai Chauveau - 69005 LYON
Tel. 04.72.19.26.26  Fax 04.72.19.26.00

 Concert de l’Hostel Dieu  Tel. 04.78.37.52.37 - Fax 04.72.41.94.23

 Grands Interprètes: Tel. 04.37.24.11.66

 A l’Opéra de Lyon

 Conservatoire National de Région de Lyon: Tel. 04.78.25.91.39 - Fax 04.72.38.77.08
 Colloque Chausson: Tel. 04.78.51.77.15

 Festival Musiques en Scène: Divers lieux agglomérations Lyon et Saint-Etienne
Tel. Bureau du Festival: 04.78.28.36.10  Renseignements 04.72.07.37.00
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