Les ambitions pertinentes de Vincent Pomarède

Par Nelly Gabriel

Ouvert, chaleureux sans avoir l'air de chercher à le paraître, avec une prestance empreinte de bonhomie et, dans l'allure, ce rien de rondeur qui laisse imaginer l'adepte d'Epicure, sympathique en un mot, tel est apparu pour sa première rencontre avec la presse, Vincent Pomarède, le nouveau conservateur en chef du musée des Beaux Arts de Lyon. Un conservateur qui nous vient de la grande maison, le Louvre, où il a fait toute sa carrière et où il occupait depuis 1991 un poste de conservateur au département des peintures. "J'ai vécu toute mon enfance au cœur d'un musée, dans l'appartement de fonction qu'occupait mon père", raconte Vincent Pomarède qui se demande encore pourquoi il avait omis ce détail dans le curriculum vitae rédigé par ses soins pour la Ville de Lyon. Peut-être parce que, quoiqu'élevé dans le sérail, monsieur Pomarède père resta tout de même 24 ans à la tête du musée de Reims, et passionné d'histoire de l'art, l'idée d'être conservateur, enfant, ne lui est jamais venue. Pour ensuite ne lui venir que relativement tard.

Un itinéraire éclectique Diplômé de l¹Ecole du Louvre, licencié en Art et Archéologie, ancien élève de l'Ecole du Patrimoine, et plus surprenant dans le cursus d¹un conservateur, ancien élève stagiaire de l'ENA..., l'itinéraire de Vincent Pomarède révèle, sinon un éclectisme, du moins une curiosité et une ouverture d¹esprit à l'intérieur même du champ muséal. Loin d¹être entré en tant que conservateur au musée à 25 ans comme nombre de ses collègues (comme dirait Philippe Durey, "Il a, dieu merci, fait autre chose"), Vincent Pomarède a en effet abordé assez tardivement, à 32 ans, la carrière après avoir exercé des activités "autour". Ainsi, on trouve notre homme, de 1987 à 1991, adjoint au chef du Service de Restauration des Musées classés et contrôlés. Mais déjà, au temps de ses études, il avait mis un modeste doigt dans la maison. Vendeur à la RMN en 1980, lors de l'exposition Manet au Grand Palais, puis, au Service commercial de la RMN, où d¹adjoint il devient chef du comptoir de la librairie du musée l'année d'après. 1983 le voit responsable de la librairie du Louvre.

Au sein du département des peintures, Vincent Pomarède a participé tout aussi bien à la rénovation des salles de peintures françaises, à la coordination de la restauration des tableaux du département, au suivi des chantiers de restauration des décors du Musée du Louvre, qu¹à la coordination de la politique de conservation préventive du département ou à la coordination des publications et productions multimédia.. Il y est notamment responsable et gestionnaire des collections de peintures françaises du XIXe siècle. En 1998-1999, Vincent Pomarède était également coordinateur du Groupe Permanent de Sécurité du Musée du Louvre, une structure créée pour concevoir une nouvelle politique de sécurité, programmer et gérer les travaux de modernisation de la sécurité du musée.
Seule expérience manquante à cet itinéraire bien rempli: la direction d'un établissement. La lacune est désormais comblée. Pourquoi quitter le Louvre pour Lyon? Par amour d'un métier que le plus grand établissement de France ne permet plus d'exercer dans toute sa plénitude. Pour se retrouver dans un établissement à taille humaine, où le conservateur maîtrise mieux la palette d'activités que recouvrent sa fonction, une fonction qui retrouve là toute sa cohérence. Mais surtout, et c¹est là la vraie raison, la raison forte, par goût, par amour de ce musée de Lyon qu'il trouve, depuis sa métamorphose, formidable. "Philippe Durey a réalisé là quelque chose d¹exemplaire dans l¹adéquation des différents paramètres du réaménagement des lieux."

Les hasards de la vie ont fait que Vincent Pomarède est entré au Service Restauration des Musées de France dans ces années qui ont vu plusieurs grands chantiers de musées se mettre en place qui développaient parallèlement une importante politique de restauration de leurs collections. "J'ai ainsi appris à connaître les musées en région. J'étais en province quatre jours sur cinq. Je suis venu au musée de Lyon plusieurs fois." se souvient-il. "Et j'ai postulé avec beaucoup d'enthousiasme à sa direction." Des expositions internationales. Que faire dans un musée tout beau tout neuf comme celui de Lyon, où tout semble fait, où l'on n'a rien à redire à la muséographie, à l'accrochage, au choix des vitrines? Encore beaucoup de choses, répond le nouveau conservateur.

 "D'abord, un musée, c'est vivant, rien n'y est figé. La présentation des collections si satisfaisante soit-elle doit bouger. Pas toutes les semaines, bien sûr, il y aurait de quoi faire perdre la tête à tout le monde, mais régulièrement, pour provoquer le désir du public de revenir visiter les collections permanentes. On pourrait aussi vouloir combler les lacunes des collections. Ainsi, celles de Lyon sont un peu faibles dans les domaines anglais et espagnols, en dehors du superbe Zurbaran. Mais, il faut être réaliste, le coût des œuvres anciennes les rendre quasiment inaccessibles pour les musées en région. Reste le domaine des expositions temporaires, lesquelles ont un grand rôle à jouer dans la fréquentation des collections permanentes, et je pense que c¹est un peu pour cela qu'on m'a choisi.

"La conception d'exposition est un domaine que connaît bien, en effet, Vincent Pomarède qui depuis 1991, année de son entrée au département des peintures du Louvre, a, en moyenne, réalisé entre une et deux expositions par an. Citons, en 1996, Corot au Grand Palais, la même année, Pierre-Henri de Valenciennes à Spolète; en 1998, Delacroix, les dernières années, au Grand Palais. L'an dernier, Vincent Pomarède eut en charge la coordination et la préparation, ainsi que le convoiement de l'œuvre, de l'exposition de La Liberté guidant le peuple de Delacroix au Musée d¹Art occidental de Tokyo. En préparation, une exposition Chassériau, pour le Grand Palais et le Metropolitain Museum of Art de New York... La programmation du musée de Lyon étant calée jusqu'en mai 2001 (avec, Settecento, Le siècle de Tiepolo (5 octobre-7janvier 2001) et Félix Vallotton 1865-1925 (2 février au 20 mai 2001)), c'est en toute sérénité que Vincent Pomarède va pouvoir réfléchir à la politique qu'il entend conduire en matière d'exposition. Il faut, dit-il, "trouver le niveau des expositions temporaires qui convient au musée et à la Ville. Un niveau international, bien sûr, mais trouver aussi le ton et la manière qui leur coïncident." Dans leurs grands principes, il s'agira d'expositions ambitieuses réalisées en partenariat avec d¹autres musées français ou internationaux, "très demandeurs, et très intéressés par les musées français, et notamment par le musée de Lyon. Depuis ma nomination, j¹ai déjà eu quatre propositions de coproduction". Avoir des ambitions fortes mais cohérentes par rapport à la logique du musée et de la Ville, tisser des liens avec les établissement internationaux mais également au sein même de la région, notament avec les partenaires du secteur privé, se rapprocher des collectionneurs éventuels donateurs, prospecter d'autres publics, tel les sont les grandes lignes du programme de Vincent Pomarède.