Settecento, le siècle de Tiepolo

Par Stéphanie Pibre

Il est des chefs-d'œuvre qui ont échappé au regard du plus grand nombre. Douze ans après Seicento, le siècle de Caravage (présenté au Grand Palais, à Paris), le musée des Beaux-Arts de Lyon leur rend hommage avec Settecento, le siècle de Tiepolo, une rétrospective de la peinture italienne du XVIIIe siècle, à travers cent vingt des plus beaux tableaux issus des collections publiques françaises des musées de région. On désigne ce XVIIIe siècle sous le nom du célèbre coloriste vénitien Giambattista Tiepolo, qui domine alors la scène artistique locale. Placée sous le patronage de Tiepolo, cette exposition est loin de se résumer à l'artiste (dont les toiles se font finalement assez rares), dévoilant au contraire l'étendue du talent de ses nombreux contemporains. Car l'Italie artistique du XVIIIe, c'est Rome, Venise, Naples, Florence, mais aussi Bologne et le Nord, représenté par la Ligurie, la Lombardie et le Piémont. Autant d'écoles que de particularismes locaux, façonnés par les traditions religieuses, le mécénat, l'enseignement artistique ou encore l'opulence d'une cité.

Du baroque au néo-classicisme, les courants picturaux se multiplient. Settecento nous dévoile quelques natures mortes (genre trop peu représenté dans cette exposition), des paysages, mais aussi de nombreux portraits : ceux de Francesco Solimena, les portraits de dévotion de Giuseppe-Maria Crespi, et les"chroniques" contemporaines d'Alessandro Magnasco ou de Pietro Longhi. Venise la belle, la prospère, foyer intellectuel et artistique d'une flamboyante vivacité, reste immortalisée par les vues de Francesco Guardi, les caprices et l'art de la veduta (portrait d'une ville) de Canaletto. De la cité des doges, Giambattista.Tiepolo, mais aussi Marco Ricci ou Gianantonio Pellegrini , s'illustrent dans la décoration de riches demeures et majestueux plafonds de palais et d'églises.

La noble école romaine, lieu de toutes les influences, reste plus connue pour ses productions religieuses, historiques et mythologiques. Mais comme s'il portait en lui toutes les contradictions de la querelle des Anciens et des Modernes, Giovanni Paolo Panini oriente plutôt son art vers la représentation d'une Rome festive, grouillante de personnages prédestinés à cette ville, éternel décor pictural.

Mais Settecento, ce n'est pas seulement une floraison de talents, la diversité et la richesse des écoles italiennes du XVIIIe siècle. C'est aussi une période mal connue de la France, parce que mal aimée au regard de l'engouement français jusqu'au XVIe siècle, pour tout ce qui émane de l'Italie. Si l'on veut bien lire entre les lignes - et c'est aussi le propos de cette exposition- ces toiles nous sont parvenues grâce à quelques esthètes, qui, faisant fi de l'Académie, ont passé commande auprès de quelques grands artistes italiens. Acquisition d'une certaine "indépendance" artistique, sentiment de supériorité chez les Français, appuyé par l'incomparable rayonnement de Versailles ? Quoiqu'il en soit, au XVIIIe, en France, le siècle de Tiepolo n'est plus. L'Italie artistique a perdu de son pouvoir de séduction sur les amateurs français, sauf, chez quelques mécènes et collectionneurs. Et on les en remercie, car Settecento, c'est tout ce contexte d'incompréhension mutuelle artistique entre France et Italie, mais c'est aussi tout simplement, une centaine de toiles de maîtres, d'une grande beauté.

Illustrations (de haut en bas):
1)
Francesco SolimenaPortrait de femme (Toulouse, Musée des Augustins)
2)
Alessandro MagnascoEmbarquement des galériens dans le port de Gênes (Bordeaux, Musée des Beaux-Arts)
3) Canaletto – Vue de la Salute depuis l'entrée du grand canal (Strasbourg, Musée des Beaux-Arts)
4) Gianantonio Pellegrini – La famille de Darius devant Alexandre (Soissons, Musée municipal)
5) Giovanni Paolo Panini – Alexandre le Grand devant le tombeau d'Achille (Narbonne, Musée d'Art et d'Histoire)

Settecento, le siècle de Tiepolo
Peintures italiennes du XVIIIe siècle exposées dans les collections publiques françaises.
Musée des Beaux Arts de Lyon
Du 5 octobre 2000 au 7 janvier 2001
Visites commentées, conférences
Renseignements au 04 72 10 17 40

Puis à Lille, Palais des Beaux-Arts
Du 26 janvier au 30 avril 2001