Discographie

par Dominique Dubreuil

Et encore, pour placer quelques compacts bien ronds sous les sapins-à-cadeaux, voici quelques idées dont la plupart sont reliées à l'interprétation dans notre belle région…

Claude LE JEUNE/ Pascal DE L'ESTOCHARD/
et quelques autres  
Le premier est moins inconnu que le bien connu Janequin. Pour la suite : consulter cette"musique aux cours de France et de Savoie en 1601", que la chanteuse Anne Quentin et celles ou ceux qu'elle dirige superbement vient de réunir. C'est l'écho d'une des très riches heures d'Ambronay-2000, célébrant l'an 1601 qui vit le rattachement du Bugey et de la Bresse à la couronne française. En ce kaléidoscope passent les poésies du diplomate humaniste René de Lucinge, les "Octonaires" du poète réformé La Roche Chandieu, musiquées avec profondeur et charme par l'Europe de la fin du XVIème. Une telle "inconstance et vanité" rattache de façon bien subtile et forte au (trop beau?)"monde" dont elle devrait nous éloigner, du moins selon la rigueur religieuse.
(
ASTREE NAIVE/Ambronay. E 8814)

Pietro-Paolo BENCINI (1675-1755)
On est d'emblée saisi par cette "polychoralité à la romaine", comme dit la savante notice du disque: Bencini sera une révélation tirée des cartons baroques. Ce Romain qui travailla pour les papes du temps d'Alessandro Scarlatti et Jommelli navigue entre "style ancien" et inventivité expressive: écoutez dans sa Missa de Oliveira, des "dialogues à 4"entrecoupés d'Alleluias jubilatoires, le saut d'intervalle obsessionnel dans le Beata Virgo, la souplesse et la ductilité du figuralisme et de la fugue dans le Credo, et un Ave Maria effusif, calme, extraordinairement concentré… "A Sei Voci"(e instrumenti) de Bernard Fabre-Garrus est admirable de recueillement et d'éloquence dans cette musique sacrée sans trace de banalité. Quel exemplaire travail!
(
ASTREE NAIVE E 8806)

PUGNANI / GASPARINI / VIOTTI /
GIAY / OTTANI / SOMIS
"La Savoie c'est la France / La Savoie c'est l'Italie / La Savoie c'est la Savoie"…  Rayez la formule qui ne convient pas… Artistiquement on peut dire que le versant chambérien a longtemps été le symétrique du turinois. Et au XVIIIe, les Lumières dans la monarchie de Piémont-Sardaigne furent italiennes et européennes. Des six musiciens ici présentés, seul Viotti semble moins inconnu à cause de ses concertos de violon. Qu'on n'attende pas  de découverte bouleversante avec ce Groupe des Six Italiens, mais une alacrité générale et une élégance d'écriture qui s'attardent fugitivement en rêverie: excellente atmosphère contre les frimas. L'intérêt s'augmente de la présence directrice de Reinhard Goebel, l'un des actuels grands baroqueux qui continue ici son travail avec le moderne Orchestre des Pays de Savoie, fort convaincant. (CALLIOPE 9514)

Joseph-Ermend BONNAL (1880-1944)
Franchement, à quel lecteur très savant de Plumart pourrons-nous accorder la prime méritée par son repérage de P.E.Bonnal? On est en tout cas surpris de constater que ce musicien basque, organiste en grand renom à Paris entre 1900 et 1920 puis reparti à Bayonne, fut aussi hautement loué par ses contemporains qu'aussitôt oublié ensuite. Ses deux quatuors (1920 et 1938) donnent une sérieuse envie de s'interroger plus avant sur cette musique naguère jouée par les plus célèbres instrumentistes. D'autant que la place du folklore basque n'est pas du tout ici de l'ordre citationnel ou pittoresque, mais s'intègre au discours avec une rigueur qui fait évoquer Bartok ou Falla. On peut d'ailleurs faire confiance au Quatuor Debussy, qui ne disperse pas son talent, et nous offre ainsi une redécouverte de qualité certaine. (ARION 68 504)

Francis POULENC (1899-1963)
Le fameux duo concertant du "moine et voyou" que Poulenc sentait en lui doit-il ici être rapporté à la religion sous-jacente? Dans le concerto pour orgue et timbales, les intonations d'église –quand on est dans le grave et le lent – pourraient bien aussi se référer à l'angoisse des temps européens, car on est au temps de la grande menace guerrière du nazisme: 1938. La Suite Française (1935) et la Sinfonietta (1947) sont davantage liées aux styles "anciens", tout en menant des recherches de timbres et de couleurs originales. L'Orchestre de Picardie, conduit avec conviction et sensibilité par Edmon Colomer, et l'organiste André Isoir (qu'on n'attendrait pas tellement dans ce répertoire) sont remarquables de pertinence et d'engagement.
 (
ASSAI 207172)

Joseph KOSMA (1905-1969)
ou "Les feuilles mortes"? Bien sûr, mais aussi un "grand"musicien dans la tradition moderniste de l'art hongrois et européen…Les aventures de la vie d'un exilé (sauvé des rafles nazies par les amitiés agissantes, en particulier des Prévert), une situation dominante dans l'après-guerre parisien entre cinéma (Renoir) et surréalisme (Prévert, évidemment) ont conduit à la situation paradoxale de Kosma dans les histoires de la musique. Le disque qui réunit ici Les Ponts de Paris, Le rendez-vous, La ferme des sept péchés, La dame d'onze heures et d'originelles Feuilles Mortes ressuscite une époque, fait un peu frissonner de nostalgie et beaucoup s'interroger sur des œuvres en langage populaire-savant…Excellente interprétation d'ensembles sous la direction de V.Monteil, avec un François Le Roux particulièrement convaincu . Notice très riche. (R.E.M. 311316)