Guy Poirat

Par Gallia Valette Pilenko

C'est un atelier caché au fond de la cour d'un immeuble cossu du cours Franklin Roosevelt. On pousse un portillon blanc pour entrer dans un espace qui ressemble autant à un atelier de bricolage qu'à celui d'un sculpteur. Des étagères en fer comme on en voit dans les garages regorgent de matériaux en tous genres. Du papier, du carton, du fer blanc, des objets cassés ou usagés, du fil de fer, de la cire, de la colle, des branches fraîchement équarries, des bouts de tissu et toutes sortes de rebuts cohabitent sur les étagères avec des "assemblages".

Assemblages ou sculptures, on peut appeler les drôles de créations de Guy Poirat comme on veut. L'important est surtout qu'ils provoquent une émotion chez le spectateur qui les regarde. Lui les qualifie de "dessins en volume" et c'est vrai que les papiers ont leur place dans l'atelier de ce sculpteur québécois venu s'installer en France en 1993, suite à une résidence au Fort du Bruissin.

Il ajoute en riant "il ne faut pas m'inviter sinon je colle au fond".
Des papiers qui sont punaisés un peu partout, au dessus du bureau, sur les étagères, par terre aussi. Il y a aussi
de petites vignettes qui jonchent la table qui lui sert de bureau, comme autant de minuscules histoires que le sculpteur se raconte ou nous raconte. Il faut dire qu'avant toute réalisation
en volume Guy Poirat fait des croquis qu'il affine au fil de son travail.

Ses sculptures sont autant de petits récits qui se déroulent dans l'imagination de celui qui les détaille. "je fais des histoires, des mises en scène de matériaux, d'images. ce qui m'intéresse ce sont les conversations que peuvent entretenir les matières entre elles, leur confrontation. J'aime assembler les contraires, le chaud, le froid, le mou, le dur.
Ses structures, à mi-chemin entre l'arte povera et l'art brut, se prêtent à la discussion.
Difficile de rester insensible à ces drôles de machines qui rappellent (sans la machinerie) celles de Tinguely
en plus petit avec force roues de vélos hors d'usage, boîtes de conserve et autres matériaux de récupération glanés au fil de ses pérégrinations. "Tout est là, à prendre. La vie est dans la rue, dans le désordre, les gens, les objets, les déchets.C'est peut-être plus difficile, mais c'est plus gratifiant".

Ainsi son imaginaire s'alimente de la réalité. Parce que Guy Poirat est également un grand voyageur qui se nourrit de ses rencontres. En effet avant de s'installer en France,
il entretenait une "histoire d'amour jamais terminée" avec la patrie des lumières et y a fait plusieurs séjours ainsi qu'aux Antilles et sur la côte Ouest des Etats-Unis. Parce qu'il faut savoir que cet homme-là a pas mal bourlingué et que la sculpture ne s'est imposée à lui que sur le tard.
A 18 ans il était céramiste et l'est resté 12 ans durant, façonnant ses formes dans la terre avant de se lancer dans l'assemblage. Et si c'est sa sœur, architecte qui l'a initié au monde de l'art, c'est bien lui qui a repris des études, les Beaux arts de Montréal puis l'Emily Carr College of arts de Vancouver pour devenir sculpteur. Un sculpteur qui rêverait maintenant de faire de l'animation et des dessins animés, lui qui réalise de plus en plus de pochettes de CD, d'affiches de manifestations culturelles et de décors de théâtre. Avec toujours beaucoup d'humour, de légèreté et de poésie. Comme cette initiative qui consiste à envoyer chaque jour à un de ses amis parisiens une "carte postale en volume", même s'il n'a encore pris le risque de l'envoyer telle quelle (c'est-à-dire sans enveloppe) par peur qu'elle n'arrive pas à bon port.