Bachir Hadji

Par Gallia Valette Pilenko

Sur les pentes de la Croix-Rousse, une rue plutôt calme, dans un grand immeuble du XVIIIème siècle se cache l'atelier de Bachir Hadji, sculpteur de son état . Installé depuis 20 ans dans ce lieu,
au rez-de-chaussée d'une ancienne école nouvelle,
il en fait son atelier et son appartement.
Les volets sont fermés et seul un examen attentif
de la plaque (certainement gravée par ses soins) confirme au visiteur que l'adresse n'est pas erronée.

On voit tout de suite la place que prend l'art dans la vie de cet homme d'origine algérienne, né à Constantine en 1957. La pièce de travail tient bien tout le volume, excepté une minuscule cuisine et une mezzanine presque aussi minuscule. Et c'est un vrai capharnaüm. Il y en a de partout, et de tout. Des sculptures, des dessins, des objets africains, des plaques de cuivre, du carton, des tables, de vieilles chaussures boueuses.

Et sur les étagères encore plein d'autres choses. Il y a même au milieu de la pièce, posée là
de façon presque incongrue, une valise "sculpture que j'avais réalisé quand j'étais étudiant, qu'un copain m'a rendu "et qui n'a pas encore trouvé sa place dans le salon-atelier.
Ici tout est manifestement voué à la sculpture. Même s'il a commencé par la peinture,
il s'est remis à son art préféré dès qu'il a pu
se le permettre, c'est-à-dire quand il a commencé à gagner sa croûte parce que "j'ai toujours été plus à l'aise avec le volume qu'avec la couleur" ajoute-t-il comme pour se justifier.
D'ailleurs depuis 20 ans, il ne fait que ça, des bronzes. Avec un modèle en terre qu'il moule ensuite dans du plâtre. Puis c'est l'étape du bronze lui-même. Un bronze qu'il peut même faire lui-même à la cire perdue, en Afrique, lorsqu'il part vers cette terre qui l'inspire, régulièrement. C'est là qu'il a retrouvé son goût des ânes, qui ont marqué son enfance en Algérie. Pas celui "des plaines du Beaujolais, choyé et nourri par des mains d'enfants, mais du bélier d'Abraham, l'Animal Sacrifié à la place d'Isaac". Et l'âne est son objet de recherche pour l'instant. En effet, après l'écriture et le visage, il se penche sur cet animal "qui rappelle parfois le destin de l'homme" sans toutefois abandonner le reste.

C'est ainsi qu'on peut voir dans ses récentes productions, des ânes avec le dos tatoué des vers d'Une saison en enfer de Rimbaud (toujours les mêmes depuis 20 ans parce que Rimbaud est le "synonyme de la Poésie"), sur une table recouverte d'une plaque de cuivre où sont gravées des...
têtes d'hommes. On pourrait presque dire des caricatures, ses têtes étant souvent difformes, grimaçantes et tordues, se superposant les unes aux autres pour former une immense toile aux motifs abstraits et curvilignes.
Des gribouillis d'enfants ou de savantes circonvolutions labyrinthiques qui opèrent sur le regard une drôle d'hypnose. Et qui font réfléchir. A la vie. Sans nécessairement avoir besoin d'explication, que Bachir Hadji qui "ne sait pas parler de (son) travail"ne pourrait pas donner.

Bachir Hadji. Du 10 au 31 mai. INSA, campus de la Doua.
du lundi au vendredi de 9h à 18h, Hall des humanités.