Voyage dans la Basse et la Haute Egypte

Regards appliqués
Dominique Vivant Denon et les photographes du XIXe siècle

L'expédition d'Egypte fut un échec militaire mais un événement majeur pour l'essor de l'Egyptologie. Vivant Denon en rapporte un récit de voyage et, plus précisément un journal, relatant les faits militaires et surtout la découverte d'un art.
Vivant Denon, héritier des Lumières et pré-romantique, nous donne à voir l'Egypte par la ruine, lieu par excellence de l'expérience esthétique.
Ces deux visions, l'une personnelle, l'autre somme toute conventionnelle, cohabitent : l'Egypte ancienne à laquelle il accorde toute sa sensibilité d'amateur d'art et l'Egypte moderne, dont la description demeure plus ambiguë.
La ruine constitue donc le sujet de prédilection qu'il décrit avec la diversité de moyens et de points de vue propres au dessinateur. Parfois, cependant, de larges vues panoramiques de villes, de sites et de monuments sont difficilement identifiables, d'autres fois, une perspective des plus albertienne règne dans les paysages classiques.
Les personnages, traités avec plus de distance, comme les scènes de genre, restent dépendants de la tradition picturale des XVIIe et XVIIIe siècles avec le souci du trait de caractère et du détail pittoresque. Il s'agit de mettre l'accent sur l'étranger afin de conforter les idées et les opinions qui s'expriment de façon récurrente dans les récits de voyages antérieurs.
Un siècle plus tard, le photographe reprend les mêmes conventions et chausse les mêmes stéréotypes.
La photographie, d'abord champ d'expérimentation scientifique, doit attendre une centaine d'année pour s'émanciper des arts du dessin tels que les ont conçus les artistes de la Renaissance. C'est cette sourde mutation que nous offrent les photographes de l'Egypte. Leurs observations ne relèvent plus seulement de la tradition du voyage.

Ces professionnels installent des studios en Orient afin de commercialiser directement leurs images auprès des voyageurs.Pour des raisons techniques, comme de formation, les photographes des sites et des monuments conservent l'unicité du point de vue de la perspective albertienne et c'est parfois les vues panoramiques de Denon qui apparaissent plus modernes, sa vision pouvant être qualifiée de "photographique" tandis que le mode d'observation du dessinateur perdure dans l'image "chimique".

La stricte juxtaposition gravures/photographies est saisissante de similitude dans le mode de description.
Il en va un peu différemment pour les personnages et les scènes de genre. Bien qu'accordant une tout autre attention au sujet que ne le faisait Denon, le photographe dévoile une dépendance vis à vis des arts du dessin qui n'apparaît plus tant dans la description que dans le mode de représentation : l'image, totalement mise en scène, est composée comme un bas-relief.
Sites, monuments, hommes et femmes d'Egypte, se donnent à voir au spectateur entre convention et liberté au moyen de la gravure et de la photographie.
Et si l'Egypte ancienne reste un centre d'intérêt toujours renouvelé, l'Egypte moderne, économique et politique, se dérobe parfois au regard du voyageur.

Jusqu'au 2 septembre 2001 au Musée Vivant Denon - Chalon-sur-Saône (71)
Tel: 03 85 94 74 41
Planches extraites du Voyage dans la basse et haute Egypte. Bibliothèque Municipale, Chalon-sur-Saône.

Photographies, Musée Nicéphore Nièpce, Chalon-sur-Saône.