Ouverture du Musée Paul Dini
Un musée est né

Par Nelly Gabriel

Ni tout à fait la même, ni tout à fait une autre.
Une verrière surplombe désormais l'ancienne Halle aux grains de Villefranche-sur-Saône, devenu musée municipal en 1893, l'ouvrant largement à un éclairage zénithal. Et un espace central, suspendu au-dessus de la grande salle naguère nef unique, ainsi qu'une succession de petites salles aménagées dans les anciens greniers ont doublé la surface utile primitive, portant à 1000m2 celle d¹exposition. Si la silhouette générale du bâtiment, repeint à neuf dans une bichromie respectueuse de son histoire, est restée
la même, en revanche, parquets de chêne clair,
murs blancs, charpentes grises, escaliers et bastingages ont métamorphosé les lieux.
Les habitués de feu le Centre d'arts plastiques ne retrouveront plus leurs repères dans ces volumes lumineux où des cloisons modèlent des espaces irréguliers. L'ensemble est agréable, d'une intimité assez chaleureuse, à l'étage. Dommage que l'on n'ait pas prévu d'y installer dès à présent la climatisation. Par grand chaud, œuvres et visiteurs en pâtiront.

En 1998, Paul et Muguette Dini faisaient don d'une grande partie de leur collection de peintures à la ville de Villefranche-sur-Saône. La municipalité accueillait à bras ouverts une manne artistique propice à faire renaître un musée réduit depuis une trentaine d¹années à une existence de principe. 450 tableaux d¹une valeur estimée à 25 MF, signés de quelque cent cinquante artistes, du XIXe siècle à nos jours constituaient cette donation. Tous entretenant un rapport avec la région. Aujourd'hui, au terme d'une campagne de travaux d'une valeur de 14MF, et augmenté de la donation Jocelyne Naef, laquelle comporte une cinquantaine d'œuvres des années 1980-1990, s'ouvre au grand public et s'inaugure officiellement le Musée Paul Dini. Un musée qu'on peut dire d'art régional, encore que son ouverture à l'art d'ailleurs soit, par le biais des expositions qu'il accueillera, totale. Mais qu'on ne peut pas qualifier de musée régionaliste, avec tout le riquiqui péjoratif que recèle le terme. La vocation de ce lieu est double. Pédagogique, pour un public auquel elle entend faire découvrir l'art d'aujourd'hui, principalement. Et mécénale, par rapport aux peintres de la grande région lyonnaise, dont les œuvres viendront régulièrement enrichir la collection. Dans un proche futur (quelque dix-huit mois), une extension du musée est prévue. Une seconde tranche de travaux aménagera à cet effet l'ex-usine Cornil, située tout près de l'ancienne Grenette (ainsi désignait-on la Halle aux grains). La partie contemporaine de la donation Dini et les œuvres de la donation Naef s'y installeront, de même que les expositions temporaires et les ateliers de pratiques artistiques. Dans l'espace Grenette, se déploiera alors la collection Dini rejointe par celle de l'ancien musée municipal. Des dépôts de l'Etat pour la plupart, ainsi que quelques dons. Lesquels devront avant subir une campagne de restauration. Naissance d'un musée ou renaissance, on ne sait plus. Mais à qui on le doit, cela, on le sait.

A Paul Dini, entrepreneur d'origine stéphanoise, né en 1937 dans un foyer d'enseignants. Entre autres fondateur en 1968 de la COMAREG, société devenue, depuis, le premier groupe français en matière de presse gratuite; responsable de 1981 à 1983 du groupe Dauphiné Libéré. Depuis, Paul Dini a fait choix de ne plus diriger, tout en gardant un rôle actif dans plusieurs sociétés et dans la vie associative.
Il continue aussi d'acheter des œuvres d'art, comme il le fait depuis près de trente ans.
Pourquoi cette donation ? Interrogé alors qu'il faisait connaître officiellement sa décision, Paul Dini nous avait répondu qu'il y avait derrière ce geste des raisons philosophiques. "J'ai eu l'occasion de réunir un certain nombre d'artistes de qualité et liés à nos régions. Petit à petit, expliquait-il alors, s'est instillé dans mon esprit, le sentiment que cet ensemble devenait un Tout. Il eût été dommage que ce Tout se brisât. Je voulais que cette entreprise perdure. Un temps, j'ai pensé à une fondation. Mais le fonctionnement des fondations est complexe. J'ai préféré faire simple" Pourquoi maintenant? questionnions-nous également. Tout en reconnaissant, qu'évidemment, " cela pouvait attendre un peu", Paul Dini précisait qu'en plein accord avec sa famille, il avait voulu voir cela de son vivant. Non par vanité, même si un juste sentiment d'orgueil peut s'y mêler, mais par philanthropie. "Collectionner a toujours été pour moi une question de plaisir. Et j¹ai souhaité voir ce plaisir partagé." Quant au choix de Villefranche, il était également parfaitement motivé. "Villefranche est une des seules villes proches qui ne soient pas dotées de musée. Sa position géographique, sa taille humaine, le Beaujolais auquel je suis attaché, sont aussi des arguments. A Villefranche, le musée qui se créera sera un musée de proximité, un musée à taille humaine."

Que ce musée porte son nom, Paul Dini, en toute simplicité, trouve cela juste. Pour lui, celui qui achète de l'art doit s'afficher comme tel. Idem pour celui qui donne. Aucune ostentation derrière ces attitudes. Plutôt une valeur d'exemple. Susciter l'émulation, que son geste provoque le geste d'autres collectionneurs, comme cela a déjà été le cas avec la galeriste lyonnaise Jocelyne Naef, voilà le désir profond de Paul Dini, lequel est d'autre part convaincu qu'on n'a pas besoin de beaucoup d'argent pour collectionner.
Ce musée dont il a rêvé est désormais une réalité. Il en est content et ému. "Cela m'émeut, dit-il, de redécouvrir les œuvres. De les voir mieux que chez moi où elles manquaient d'espace. De voir également se réaliser en pratique le Tout que j'imaginais en théorie. De me rendre compte de l¹effet sensible et affectif qui en naît." La séparation d'avec sa collection, ne pose pas de problème à Paul Dini qui souligne qu'il en est, en la matière, comme avec les enfants. "Ils s'éloignent, mais la filiation demeure..."

Musée Paul Dini
Place Faubert – 69400 Villefranche-sur-Saône
Tel: 04 74 68 33 70

Photo : portrait de Paul Dini (DR)