Le Musée Paul Dini (2) La Collection et l'exposition
Par Nelly Gabriel
COLLECTION - Un homme en ses œuvres "Le choix d'un collectionneur" annonce l'exposition inaugurale qui accroche aux cimaises
du nouveau musée une sélection de quelque deux cents tableaux. Collectionneur, Paul Dini ? Ce n'est pas le statut qu'il revendique. Il achète des œuvres d'art pour son plaisir, sa délectation, parce qu'il
se sent bien avec. Il ne les collectionne pas. Toute la préméditation, le systématisme, la stratégie qui s'attachent à la notion de collection lui demeurent étrangers. L'esprit de collection, l'idée de "boucher
les trous", il l'a attrapée par la force des choses dans les années 90, quand le projet de donation a commencé à lui trotter dans la tête. Un ensemble
exhaustif collant mieux à la visée pédagogique de l'institution muséale. Le musée ouvert, il laisse aux spécialistes le soin de compléter ses équipes (il
préfère ce terme à celui d'écoles), pour retourner à ses plaisirs dilettantes. "Je ne suis qu'un amateur, se plaît-il d'ailleurs à répéter. J'ai toujours acheté selon mon goût
." Un goût qui a évolué avec le temps, l'œil affinant sa connaissance au contact régulier de l'art. Mais s'il y a des tableaux qu'il n'achèterait plus, jamais Paul Dini n'a regretté un seul achat. Jamais, non plus,
il n'a revendu un tableau. Une attitude qui en dit beaucoup sur le lien affectif et charnel unissant l'homme à ses œuvres. Ce serait comme se séparer d'un morceau de soi.  A travers la donation qu'il fait à Villefranche, on imaginerait Paul Dini comme l'amateur
d'un art n'excédant pas les frontières de Rhône-Alpes. Et qui plus est, relevant de la peinture, et figurative encore, exclusivement. Erreur. Les artistes de son temps, ceux de la
seconde moitié du XXe siècle, d'ailleurs et même de bien plus loin, l'intéressent. Et exceptée la création audiovisuelle pour laquelle il avoue une distance certaine,
toutes les formes d'art, de la sculpture à l'installation en passant par la photo, le sollicitent dès que l'émotion est là. L'attirent, c'est évident, les artistes des
territoires, presque des terroirs, qui le concernent. Cette attirance a chez lui toujours existé. Dans le Calvados, où il a vécu, ne s'intéressait-il pas déjà aux
peintres de l'estuaire? Une manière peut-être de délimiter une géographie physique rejoignant une géographie personnelle et imaginaire. Mais pour lui
plaire, encore faut-il que l'approche de ces artistes ne soit pas platement régionaliste. "Il faut, dit-il, que ces peintres apportent quelque chose dans
leur œuvres. Un regard, un monde. Qu'ils ajoutent à la réalité". 
Aussi, quand il arrive à Lyon, en 1971, tout naturellement Paul Dini regarde les peintres lyonnais. Fréquentant les galeries Malaval et Saint-Georges, il y découvre, chez l'une Pelloux, Martin, Couty...; chez
l'autre, Truphémus, Fusaro... De temps en temps, des plus jeunes retiennent son attention. Ce n'est que vers 1980, alors que son métier l'entraîne en Isère, qu'il se tourne
vers Ravier. Les créateurs de l'Ain, de la Savoie. Ensuite, il y a comme une remontée dans le temps (les Carrand, les Vernay etc...), puis, plus tard, une
venue au contemporain. Le tout, à travers des contacts humains, avec des marchands, des galeristes, des artistes. La genèse de la collection de Paul
Dini, celle que l'on pourra découvrir à Villefranche, raconte une partie de son histoire. Une histoire qui a le désordre de la vie, des coups de cœur, des rencontres.  EXPOSITION Du pré-impressionnisme à aujourd'hui - Morceaux bien choisis Trouvant sa cohérence dans ce regard unique qui l'a constituée, la donation Paul
et Muguette Dini est très variée dans son contenu. "Dispersée" dirait son auteur qui avoue un goût large. Sans prétendre à l'exhaustivité, elle offre un beau panorama
de styles et raconte bien l'histoire de la peinture dans notre région entre 1875 et maintenant, à travers des artistes du cru, ou des peintres ayant
significativement créé lors de leur séjour en terre régionale. Pour cette exposition inaugurale qui entend refléter l'esprit de la collection, toutes les
œuvres, bien sûr, ne sont pas aux cimaises. Il a fallu faire des choix. Prendre en compte les exigences du lieu, les promiscuités d¹accrochage. Remettre en
réserve une œuvre, belle assurément, mais qui ne trouvait pas sa place dans le circuit. Sortir en revanche un tableau plus modeste mais que l'accrochage
rehausse... Augmenté de pièces provenant de la donation Naef, qui par leur abstraction complètent le caractère plus imagé de la donation Dini, le résultat,
que l'on doit au professionnalisme du conservateur Brigitte Laurençon, est, malgré la diversité des œuvres, construit et équilibré. Il s'en dégage une cohérence séduisante et intelligente. Pour des raisons pratiques, le circuit qui s'attache à ménager développement chronologique et
regroupement thématique (même si parfois au nom de ce dernier, la chronologie se trouve un peu bousculée), commence au premier étage par les tableaux les plus anciens. S'égrènent des
paysages, natures mortes, des portraits et scènes de genre. On y remarque à côté de compositions plus classiques, les Appian, Carrand, Vernay et Ravier, joli carré d'as de paysagistes
pré-impressionnistes; les fleurs généreuses et prolixes d'un Jacques Martin, ou ,plus pudiques, d¹un Eugène Baudin. Le début du siècle voit Combet-Descombes, ici
représenté par un splendide et puissant triptyque figurant un paysage industriel. Plus loin, se sont, décoratif et vigoureux, Eugène Brouillard, le
laconique et presque minimaliste Pourchet, le synthétique Jourdan. Durant les années 20 fleurissent les ziniars qui rêvent de Cézanne, Adrien Bas, Emile
Didier, Etienne Morillon, ou Antoine Ponchon, d'une élégance retenue à la Marquet, en plus classique, dans une vue de la Saône au quai Saint-Antoine,
tout emprunt de rigueur calme dans une nature morte fort géométrisée.... L'entre deux guerres est marqué par des artistes aussi différents que Couty,
Vieilly, ou Pernin. Renaissance de l'après-guerre où éclosent les Cottavoz, Fusaro, Truphémus, Lachièze-Rey... D'intéressants ensembles ou rapprochements sont ménagés: "petit salon" Suzanne Valadon ou Jean Puy,
réunissant des tableaux de périodes diverses, cénacle de singuliers: Avril, Dereux, Boix-Vives.... Un dialogue se noue parfois entre des univers. Rencontres de Pelloux et Charbonnier, échos d'ambiances urbaines entre
Truphémus, Chevrette, Giorda, Revol et Mortier. Peu d'abstraction. Gleize, Burlet, Le Moal, Degottex, Jacquemon, ou encore Gordon Hart, l'un des cadets d'une bande où l'on relève une curiosité: un Montheillet d'avant le
paysagisme abstrait, tableau que Paul Dini avoue avoir acquis, avec un réflexe de collectionneur, pour boucher un de ces fameux trous chronologiques. Refuge des grands formats, le premier niveau de l'exposition où sont également présentées des
œuvres de la donation Naef, réunit l'art d'aujourd'hui. On apprécie l'accrochage qui fait sens et sert les œuvres. Ici, ce sont des regards croisés sur la représentation de l'humain à travers
des styles et des univers aussi éloignés que ceux de Desgrandchamps, Tatah, Aubanel, ou Cérino; plus loin, diverses approches du paysage: réalisme photographique d'un Munier, paysagisme abstrait
d'une Kim Nguyen, rigueur géométrie d'une figuration prête à basculer dans l'abstraction chez Hilary Dymond... Quant à la dernière salle, dévolue à la matière et à la lumière, elle fait
se côtoyer les transparences et les raffinements d'un Braconnier, avec le travail radical d'un Raguénès ou d'un Poncet-Duquaire. Musée Paul Dini
Place Faubert – 69400 Villefranche-sur-Saône Tel: 04 74 68 33 701)Francois Vernay - Bouquet de fleurs 2)Jacqueline Marval – Nu étendu (vers1905-1909) 3)Marc Aynard –
Le Rhône, l'Hôtel-Dieu à Lyon (années 1920) 4) Pierre Pelloux – Parasols jaunes fermés, plage de Bellaria, éclairés par un projecteur de l'hôtel Gambrinus (1971) 5)Jackie Kayser
– Les trois grâces aux parties d'ange entre (1992) 6) Marc Desgrandchamps, Nu (1994) ©Musée Paul Dini - Photos : Didier Michalet |