La dernière neige de Hubert Mingarelli

Par Gilles Bertin

Un homme pudique
Il y a de petits livres comme ça… comme Le vieil homme et la mer… des petits livres où deux hommes, un qui commence sa vie, un qui la termine, se confrontent à l'essence du monde. Un espadon et un milan. L'océan et la montagne. Hemingway Mingarelli, la comparaison est légitime. De livre en livre, Hubert Mingarelli épure, dépouille, essentiellise, ne laisse à ses personnages que leurs pieds, leurs mains et quelques paroles. Leurs pieds dans ces chaussures qu'ils cirent parce qu'ils savent que ce cuir doit être protégé, qu'il est essentiel. Leurs mains qui ne se touchent pas. Qui ne manipulent plus que l'essentiel. Un peu d'argent. De la nourriture. Leurs paroles sont rares. Ils marchent dans des étendues sans fin. Prairies de ce magnifique "Une rivière verte et silencieuse". Neige uniquement tâchée par les plaques bleues des mares gelées de "La dernière neige".

Les personnages de Mingarelli ne se parlent qu'à travers des histoires d'animaux ou d'objets, des histoires d'hommes. Un fils et son père. Le père à un bout de la vie, sans ressources dans "Une rivière verte et silencieuse". Cloué au lit, proche de la mort dans "La dernière neige". Et c'est le fils qui va au monde. Qui veut ce milan dans sa cage. Qui le rapporte au père. Qui fait de lui cet homme qui a un fils. Mingarelli n'en sait pas plus. Il n'a pas de théorie, pas de morale, pas d'introspection. Il écrit des histoires. Vraies. Il les commence avec ce fils et son père. Ce fils qui marche. Ce père sur son lit de mort. Et nous allons ensemble, lecteur et écrivain, au bout du livre avec ces deux hommes, comme nous allons dans nos vies entre notre père et notre fils. Et qu'en dire d'autre que c'est peut-être ça qu'un père attend pour partir, que son fils aille au monde et qu'il lui ramène encore une fois.

La dernière neige, Hubert Mingarelli, éd. Points Seuil P942
Une rivière verte et silencieuse, Hubert Mingarelli, éd. Points Seuil P840

Lire aussi une belle interview de Hubert Mingarelli
dans " Le matricule des anges " n°38 de mars 2002
(disponible en kiosque jusqu'en mai), une revue de littérature de grande qualité.