Poète portugais, Fernando Pessoa est à l'origine d'une œuvre lyrique foisonnante et multiple. Écrivant sous de nombreuses identités, ni seulement pseudonymes, ni vraiment personnages, il livre avec
"le gardeur de troupeau", signé à l'époque Alberto Caeiro, une poésie bouleversante, véritable introspection dans le monde poétique des sensations et des émotions.
Si Pessoa s'inventait parfois des vies, son œuvre
reste bien tangible.
"Le gardeur de troupeau" est ainsi un poème en quarante-neuf fragments sur le quotidien d'un des "personnages" fictifs de Pessoa: Alberto Caeiro. Un personnage, qui plus
qu'une simple vue de l'esprit, était une véritable voix poétique pour l'auteur. Le poète dira d'ailleurs de lui: "Je débutai par un titre Le gardeur de troupeau
et ce qui suivit fut l'apparition en moi de quelqu'un que j'ai d'emblée appelé Alberto Caeiro. Pardonnez-moi cette absurdité: en moi était apparu mon maître."
À travers cette œuvre, Fernando Pessoa, ou Alberto Caeiro, nous fait revivre ces moments d'imagination enfantine, ces instants où la vie quotidienne prend une nouvelle dimension et se laisse transcender par les mots:
"Je suis un gardeur de troupeaux.
Le troupeau c'est mes pensées
et mes pensées sont toutes des sensations.
Je pense par les yeux et par les oreilles
par les mains et par les pieds
par le nez et par la bouche."
Les sensations sont alors exprimées avec une telle simplicité et, en même temps, une telle force, que l'évocation fait place à l'impression. Les mots de
Pessoa s'impriment littéralement dans les sens du spectateur pour lui faire découvrir toute la dimension de l'évocation poétique.
Une dimension qu'a sans doute voulu conserver ou recréer Hervé Pierre, qui
signe la mise en scène de l'œuvre. Le public est installé tout près de la comédienne – Clotide Mollet – qui joue le rôle du gardien de troupeau. Une
ambiance intimiste qui permet de faire partager la fraîcheur et l'innocence des mots de Pessoa. En donnant au public la clef des mots, elle l'incite à trouver la clef des champs… imaginaires.