David Lynch, portrait d'un mystificateur

Par Christian Delvoye

Il y a un "Mystère David Lynch" ! Etrange monsieur que le père halluciné de Twin Peaks ou de Blue Velvet !
On attend un personnage excentrique et interlope, c'est un chevalier de la lune que l'on rencontre. Suffisamment absent pour ne jamais s'abandonner.

Né en 1946, dans le Montana, formé
à l'Ecole des Beaux-Arts de Pennsylvanie, Lynch a débuté par des films amateurs où il employait les techniques de l'animation. Ce goût du cinéma expérimental le poursuivra tout au long d'une carrière qui débute avec Eraserhead (1976), film inclassable, héritier du surréalisme, qui regorge d'images oniriques, hallucinatoires. Viendront ensuite le plus classique de ses films sur le plan formel, Elephant Man (1980), film dont le climat victorien, proche du fantastique, est magnifiquement amplifié par l'image noir et blanc de Freddie Francis et Dune (1984), adaptation grandiose mais touffue de l'oeuvre de Franck Herbert. Son film suivant Blue Velvet (1986), oeuvre plus personnelle, peut être considéré comme une transposition urbaine et nocturne de "Alice au Pays des Merveilles" où le jeune Jeffrey passe dans l'âge adulte, aux rites étranges et effrayants. Wild at Heart (1990), palme d'or à Cannes sous le titre "Sailor et Lula", est une espèce de road-movie, sûrement un de ses films les plus violents. Viendront ensuite, dans la même veine, Twin Peaks (1991) et   Lost Highway (1995).  Mais il ne faut pas voir en David Lynch un réalisateur n'aimant que la violence. Son film The Straight Story (1999), au rythme lent et plutôt positif, pourrait paraître tout à fait atypique. Lynch a pourtant toujours suivi d'abord la musique de ses histoires, sans prendre en compte la construction d'un univers stylistique. Dans son dernier film en date, Mulholland Drive (2001), prix de la mise en scène à Cannes l'année dernière, on retrouve l'univers lynchien avec gourmandise. Les deux faces contradictoires de l'univers cinématographique du réalisateur, le côté noir intérieur et le côté ensoleillé en surface, se rencontrent et convergent dans ce film à ranger dans la catégorie "Humour Noir". Lynch continue ici à explorer ses obsessions, le bien contre le mal, le rêve contre le cauchemar.  Mais, dans sa filmographie, la façon de narrer une histoire est chez Lynch rarement claire et nette et la cohésion de l'ensemble n'a jamais été son fort. En neuf films, cet esthète de la perversité a bâti une œuvre singulière, aussi fascinante que dérangeante. Loin des coteries et des dogmes, Lynch  préfère au déballage médiatique une discrétion qui conforte une célébrité dont il veut qu'elle repose sur son seul travail, rien de plus que la curiosité d'un polymorphe qui ne cesse de se chercher lui-même. Concepteur de bandes dessinées, peintre, musicien et designer industriel, David Lynch touche à tout, quitte à déplaire. Nous on l'aime !

Rétrospective David Lynch.
Du 16 au 24 mai.
Institut Lumière (Lyon 7ème)
Programme et Renseignements : 04 78 78 18 95
Internet :
www.institut-lumiere.org  ou www.davidlynch.com

Ph : David Lynch et Mary Sweeney, à Cannes (1999).(c) Christian Delvoye