Le Jardin Nomade, d'Eric Roux-Fontaine

Par Florence Charpigny

Un jardin pour un peuple qu'on enferme dehors…

Quand on entre dans le Jardin Nomade, tout d'abord, on ne voit rien. Il fait sombre, une masse un peu vague se dessine face au visiteur; autour de la pièce, une guirlande lumineuse matérialise l'espace. Lorsque l'œil s'habitue, il discerne une petite roulotte aveugle, prolongée d'un dais de velours rouge à pompons dorés d'où s'échappe une vague lueur : un moniteur vidéo dispense des images de nuages. Des rires d'enfants, des chants, des récits diffusés par une bande-son contextualisent l'installation, là où la roulotte, comme objet singulier, donnait une première piste : il s'agit de s'intéresser aux gens du voyage. Et alors ? est-on tenté de dire.

Peu d'œuvres, convenons-en, résistent à
une description aussi délibérément éloignée de l'interprétation, du jugement esthétique. Sauf peut-être celles qui mettent en scène des objets renvoyant à des situations immédiatement intelligibles pour le spectateur comme – restons-en à des travaux montrant des véhicules -
Know your Rights de Philippe Perrin, Homeless Vehicle de Krzysztof Wodiczko ou la Vieille neuve de Pascale Marthine Tayou, vus récemment à Lyon. A moins, au fond, que cette roulotte si visible ne soit pourtant pas l'élément essentiel. Lorsqu'il parle du Jardin Nomade, Eric Roux-Fontaine explique que son œuvre s'inscrit dans la continuité d'une recherche commencée depuis plus de dix ans, conçue comme une forme de passerelle entre deux mondes : "celui du voyage, et l'autre, le sédentaire (…). Loin de tout exotisme, le jardin se pose comme une sorte de terrain d'entente face aux habituels terrains d'accueil et les terribles malentendus qui parfois en découlent. Confrontation du poétique et du politique en quelque sorte. L'installation confronte le visiteur avec le monde du voyage, et l'invite à une expérience plurisensorielle (sonore, visuelle, et olfactive)". À chaque étape d'une présentation dans différents pays d'Europe, définie suivant le parcours historique des Tsiganes, le Jardin s'enrichira "de nouveaux témoignages du voyage, de nouvelles langues (Rom, Sinti, Kalo, Manouche...) constituant ainsi une œuvre transversale en perpétuel devenir, sorte de dictionnaire utopique de l'itinérance".

Si l'on comprend bien, le Jardin Nomade tel qu'il nous est présenté aujourd'hui est un projet, un projet d'expérience. C'est cette expérience – ou plutôt son effectuation -  qui, à terme, donnera naissance à l'œuvre. Voilà bien la tension : comment ce projet peut-il intrinsèquement "être" œuvre dès à présent ? A suivre…

Jusqu'au 27 juillet 2002
Rez d'art contemporain, médiathèque de Meyzieu
04 72 45 16 75
Ph.: DR