Damien Béguet

Par Hauviette Bethemont

La plus value de l'artiste

Damien Beguet fait partie de ces artistes qui restent lucides quant à l'existence de règles économique régissant le devenir de leur travail. Lui, en joue avec beaucoup d'humour et de décalage, histoire de continuer à s'immiscer au cœur de notre société.

Le catalogue de Damien Beguet édité par
le Centre d'arts plastiques de Saint Fons ne ressemble guère à ce qui se fait habituellement dans ce domaine. Il ressemble plutôt, et ce à s'y méprendre, à ces plaquettes publicitaires dont disposent aujourd'hui de nombreuses entreprises. La mise en page comme le choix des photographies relèvent en effet d'une culture purement industrielle de la communication, c'est à dire simple pour ne pas dire simpliste et séductrice sans pour autant s'appuyer réellement sur les possibilités de séduction propre du produit. Damien Beguet ne se contente pas du reste de simuler le monde de l'entreprise, il y plonge sans retenue. Le titre de cette publication qui est aussi celui de l'exposition de Saint Fons " PME, mon amour" a les dimensions d'une véritable énigme si on tient compte du fait qu'il a été soigneusement choisi par un artiste pour exister justement dans le champ de la création. Car, si la référence est celle d'Hiroshima, mon amour, il ne s'agit pourtant pas là d'une ironie facile, d'un jeu de mots inventé pour se moquer ouvertement des réalités économiques du monde capitaliste, comme il aurait été si courant de le voir dans les années 60, mais bien au contraire d'un constat, d'un souci de réalité auquel l'artiste veut avant tout participer. Damien Beguet est en effet ce qu'il convient d'appeler un jeune artiste, un artiste issu d'une génération qui a vu s'effondrer les utopies de leurs aînés, et dont la subversion ne consiste plus à faire table rase du passé mais à s'inscrire dans les rouages même d'une économie libérale à la façon d'un élément contaminant. Ce qui demeure primordial alors étant la présence d'une attitude artistique, induisant un certain décalage, au sein de la partie dite active de notre société.

Damien Beguet pousse jusqu'au bout
cette analyse et propose aux entreprises de participer à la plus value des œuvres qu'il produit. L'artiste les convie par exemple à le laisser peindre leur logo à la façon très modernisé d'un portrait.
Le mot portrait comme tableau étant loin d'effrayer Damien Beguet  puisqu'il travaille justement sur les bases somme toute classiques de la peinture, sa modernité ne se nichant pas en relation avec un support mais dans cette capacité à intervenir sur le réel. Avec une grande lucidité, Damien Beguet laissera ce logo vivre dans le cadre du marché de l'art, sa plus value ne dépendra plus alors que du nombre d'expositions, de la qualité des lieux et de la multiplication des publications qu'il pourra obtenir. C'est ce circuit qui validera ce logo revisité par l'artiste et qui le définira en tant qu'œuvre. La boucle est ainsi bouclée du commanditaire à l'artiste, de l'objet à son inscription dans le circuit économique de l'art.

C'est donc en acteur turbulent  de notre société que se définit Damien Beguet et sa fascination, écrite à la manière d'une déclaration d'amour, pour les PME,
englobe de fait toute l'esthétique industrielle propre à notre culture moderne.
Des références historiques comme
Jean Prouvé ou le Bauhaus jusqu'aux formes designées des années 80, l'artiste use de tous les styles. La peinture, acrylique bien entendu, ne se dépose pas avec lui au pinceau et ne révèle aucun geste émotionnel. Elle est avant tout une matière qui arrive à faire masse et qui possède, comme tout liquide, ses propres énergies. Damien Beguet, selon ses besoins, canalise ces masses de couleurs ou les laisse au contraire légèrement déborder. Ses sujets, toujours puisés dans le quotidien de notre modernité, de la barre d'immeuble à la mire de télévision en passant par le rubick'cube ou le carénage d'une chaîne Hi Fi. , font ensuite corps avec cette apparente netteté ou ces petits glissements de traits. A la galerie Olivier Houg, les tableaux sont remis en scène et les fonds, les murs en l'occurrence, deviennent des éléments de couleurs ou de matières. Les collectionneurs peuvent comme les entreprises participer à cette œuvre en se proposant comme sujet de portrait. Des portraits très pop dont les pixels murmurent toujours des histoires d'images actuelles et d'effacement possible.

Damien beguet à Saint Fons PME mon amour 12 rue Gambetta 04 72 09 20 27
A la galerie Olivier Houg Classe Affaire 13 rue Jarente 04 78 42 98 50 Jusqu'au 31 juillet

1) Vision abstraite - 2001
2) Nickel Chrome
3) Pile ou face – 2001
www.olivierhoug.com