Pas un jour d'Anne Garréta

Par Christian Soleil

"Pas un jour" d'Anne F. Garréta, la légendaire auteur de "Sphinx", est d'abord un livre sur le désir, un livre dur comme le diamant, brûlant comme les neiges du Fuji, percutant comme le regard de l'auteur par-dessus ses lunettes noires.

On ne peut que se réjouir qu'il ait obtenu le prix Médicis, puisqu'il n'a rien fait pour le mériter. Non conforme jusqu'au bout des mots, il ne respecte aucune tradition littéraire, pas même le non-conformisme à la mode qui fait arpenter à certains inlassablement les rivages de l'autofiction, du nombrilisme ou du discours militant homosexuel.

"Pas un jour" s'avère un ouvrage à la fois rafraîchissant par son style et ravageur sur le fond, un livre qui répond au pari que s'est fixé sa narratrice: "pas un jour sans une femme", c'est-à-dire pas un jour sans raconter, au rythme de cinq heures  d'écriture quotidienne pendant un mois, devant un ordinateur, un souvenir amoureux.

Les douze chapitres  de "Pas un jour" commencent chacun par une initiale. Anne F. Garréta parle des femmes qui l'ont désirée et qu'elle a désirées. Toutes le palettes du sentiment amoureux s'y déploient comme autant de fragments d'un discours à la Roland Barthes. Du récit de la trahison à celui des regrets ; du récit des voyages à celui des caresses.

L'intimité s'y dévoile comme rarement dans les romans, mais avec une sensibilité et une pudeur qui font d'Anne F. Garréta une voix si particulière dans le paysage de la littérature française : douce et ferme, tranchante et tendre, attentive et lointaine, avec la sereine indifférence de qui s'est détaché du monde pour mieux l'embrasser.

Anne F. Garréta, "Pas un jour", Ed. Grasset.