Devant la crèche

Par Dominique Dubreuil

Décembre, mois de Noël, des crèches et des sapins : parfois les concerts tiennent compte de cela pour la programmation même. Cette année encore, la sympathique coutume perdure dans l'agglomération lyonnaise et en région. Ainsi la venue importante de Philippe Herreweghe à l'Auditorium (13décembre) est-elle placée sous le signe de la Naissance Christique : le Collegium Vocale de Gand (invité par l'ONL et le Festival du Vieux-Lyon) entend  y recréer le premier Noël du Kantor à Leipzig, en 1723. Et on entendra le Magnificat en version originale – avec des différences qui n'intéressent pas les seuls musicologues -, complété par les cantates BWV 40 et 63, " pages festives dans l'esprit de la Nativité ". Les solistes seront le ténor Christoph Prégardien, l'alto Ingeborg Danz et la basse Sebastian Noack.

Le Concert de l'Hostel Dieu anticipe sur la date (3et 4 décembre), mais en  terre d'église – Abbaye d'Ainay – propose des motets et des concertos " pour la nuit et le temps de Noël ".
L'originalité de la démarche est un  appui sur la recherche en manuscrits ou copies gisant au trésor de la Bibliothèque de Lyon. Joyeux Noël, donc, avec Vivaldi, Corelli et encore J.S.Bach! Cela n'empêche d'ailleurs pas l'ensemble piloté par Franck-Emmanuel Comte d'offrir en région savoyarde (13 à Annecy, 14 à St Michel de Maurienne, 15 à Cognin, 16 et 17 à Annemasse) un " Noël au féminin " -entendez par là le chant de la soprano Stéphanie Révidat - , qui rassemble des partitions du baroque, du classique et du moderne (de Purcell et Monteverdi à Britten , via Haendel, Haydn et Mozart). Quant à l'Institut de Musique Sacrée de Lyon, il fait alterner la tradition baroque savante (Charpentier, Corelli) et celle rebaptisée populaire: le Chœur de l'Université Catholique et le Studio baroque de l'ENM-Villeurbanne y sont co-dirigés par Rémy Fombon et Serge Saïtta
(13 déc.)

 C'est également sur ce thème " natal " d'œcuménisme que conclut
le 20e FESTIVAL DE MUSIQUE DU VIEUX-LYON (19 et 20), sur une note basque (Chœur de Bayonne, Jean-Marie Guézala) et russe (Chœur Sirine de Moscou, Andreï Kotov), qui la semaine précédente aura co-produit le concert "  Bach 1723 " avec Philippe Herreweghe. Et ouvert les festivités avec un autre J.S.Bach encore davantage crèche et chœur des anges, puisque (5 et 6 décembre) le Gabrieli Consort de Paul Mac Creesh parcourra les Cantates 1,2, 3 et 6 composant l'ensemble de l'Oratorio de Noël. Le reste de la programmation est bien équilibré entre ce qu'on peut désormais appeler la tradition des grands maîtres baroqueux et les recherches de plus récentes autorités…

Gustav Leonhardt jouant le clavecin Donzelague du Musée des Tissus, c'est à soi seul un événement considérable dont on devrait aussi tirer des forces nouvelles pour la reprise des saisons de l'Académie Baroque, co-invitante en ce concert dominical (15décembre). Allemagne (J.S.Bach) et France (d'Anglebert, Couperin) en partageront la thématique. Un autre événement rouvrira l'horizon de Tous les Matins du Monde, ce lieu et temps d'une résurrection qui nous paraît désormais dans le paysage le plus naturel du monde français XVIIe.
Et si le nom de Monsieur de Sainte-Colombe est venu s'ajouter à ceux de Marin Marais et de Lully,
si nous y associons très spontanément leur passeur instrumental – Jordi Savall -, puis leur traducteur cinématographique – Alain Corneau, si récemment ce petit monde a été honoré d'un prix littéraire (le Goncourt) pour celui qui est à l'origine de tout (le romancier Pascal Quignard dans son entreprise paradoxale des Ombres Errantes, où reviennent Sainte-Colombe et Marais et le Grand Siècle…), nous nous associerons d'autant plus volontiers au concert du 7. Jordi Savall, Montserrat Figueras et Maria-Cristina Kiehr les sopranos, Rolf Lieslevand le théorbiste et Pierre Hantaï le claveciniste y feront lever une nouvelle fois les Matins du Monde.

D'autres groupes sont là. Ainsi le Concerto Italiano de Rinaldo Alessandrini, qui tout naturellement et en chantant dans son arbre généalogique, explorera les madrigaux de Monteverdi et des moins connus Luzzaschi et Marenzio.
Le Baroque Stradivaria de Daniel Cuiller – avec les chanteurs Martin Oro, Isabelle Poulenard et Isabelle Desrochers – s'interrogent sur trois états de souffrance maternelle à travers les Stabat Mater des Italiens Gasparini, Tartini et – bien sûr – Pergolèse. Du côté de la dévotion en acte, on pourra participer à la traditionnelle intervention de la Primatiale Saint-Jean dans le domaine sacré: cette fois,
la jubilante Messe du Couronnement, de Mozart, sous la direction de Jean-François Duchamp. Et pour ceux qui peuvent ou veulent mêler à cela les " plaisirs de gueule ", comme eût dit le bon François, La Doulce Mémoire de Denis Raisin-Dadre y pourvoira en son Cabaret Renaissance de l'Abbaye de Thélème-Collonges. (12 fois entre 5 et 20 décembre, divers lieux)

Auditorium Ravel – ONL  / 04 78 95 95 95 / www.orchestrelyon.com
Concert Hostel Dieu 04 78 42 27 76
Institut Musique Sacrée  04 78 37 49 19
Orch.Pays de Savoie(OPPS)  04 79 33 42 71

1) Herreweghe Philippe ( Photo Michel Garnier)
2) Stéphanie Revidat (Ph. : DR)
3) Gustav Leonhardt (Ph. : DR)
4) Rinaldo Allessandrini (Ph. : DR)