Rencontres Roger-Vailland

par Yves Neyrolles

"Une bonne, belle, grande utopie" ?

Depuis 1995, trente ans après la mort de l'écrivain, l'association des Amis de Roger-Vailland organise, chaque automne, à Bourg-en-Bresse, des Rencontres littéraires dont les thèmes abordés sont liés à l'œuvre de celui qui, né près de Reims, avait entamé puis rapidement abandonné de brillantes études supérieures à Paris, fondé Le Grand Jeu , avec ses amis poètes Lecomte et Daumal, s'était lancé dans le journalisme, mais aussi dans l'alcool, la drogue et le libertinage, avait rejoint la Résistance, puis développé une œuvre romanesque de plus en plus engagée du côté politique, s'était installé dans l'Ain, d'abord dans le Bugey, puis au pied du Revermont où, par l'écriture, il s'efforçait de lire le monde, celui d'ici et celui d'ailleurs, notant les contradictions et les rapports de forces, interrogeant le fil de sa propre vie.
Ces Rencontres n'ont rien de réunions thuriféraires autour du génie propre de Vailland. Bien au contraire, elles sont l'occasion de discussions très ouvertes, situant précisément la place de l'écrivain dans le paysage littéraire du XXe siècle, creusant tel ou tel aspect de sa pensée, éclairant sans les nier les aspects contradictoires d'un parcours riche, dense et varié.

L'association a déjà invité nombre d'écrivains, d'universitaires, de journalistes, d'artistes, à confronter leurs réflexions à propos, par exemple, de l'écriture et de la création d'aujourd'hui, du libertinage comme passion de liberté, du devenir du métier de journaliste, des relations que Vailland a entretenues avec le cinéma : certains soutiennent, en jouant avec le titre de ce qui a été sans doute sa meilleure participation au 7e art, que ce fut une "liaison dangereuse".
Vailland ayant été souvent présenté comme un moraliste, nous avons aussi abordé ce thème et posé la question: quelle morale pour le XXIe siècle?
L'an dernier, nous avons invité des écrivains voyageurs et nous nous sommes interrogés sur la nécessité et la validité d'un mot dans un monde où se multiplient les déplacements et où se développent les techniques permettant, sans faire un pas, de découvrir et de connaître l'ailleurs.
Cet automne, nous interrogerons le recours à l'utopie.
Pour l'époque décidément bien difficile que nous traversons en même temps que nous avons passé le siècle — et même le millénaire —, et devant tellement de rêves qui ont tourné au cauchemar, faut-il encore en appeler à l'utopie, s'interroger sur elle, la susciter de nouveau comme le fit Roger Vailland, au milieu des années 60 de l'autre siècle, dans un sursaut d'espoir face à une époque qu'il avait l'impression de vivre comme une impasse, un temps mort?

Rédigeant L'Éloge de la Politique , il s'adressait à ses contemporains et en interpellait quelques uns:
"Qu'est-ce que vous faites, les philosophes, les professeurs, les écrivains, moi-même, les intellectuels comme on dit? Les praticiens ne manquent pas, ce monde en est plein. Mais les penseurs politiques? En attendant que revienne le temps de l'action, des actions politiques, une bonne, belle, grande utopie (comme nous pensions en 1945 que "l'homme nouveau" serait créé dans les dix années qui allaient suivre), ce ne serait peut-être déjà pas si mal. "
L'utopie n'avait-elle pas justement été au rendez-vous dès l'époque du Grand Jeu, lorsque le jeune Vailland et ses camarades lançaient leur propre courant — qui se voulait révolutionnaire — en poésie? L'écriture, toute écriture qui se veut "au monde", comme le souhaitait Rimbaud, ne s'embarque-t-elle pas du côté de ce "lieu qui n'existe pas", mais que l'on décrit, que l'on fait vivre comme s'il attendait notre visite?
Cet automne 2003, les Amis de Roger-Vailland invitent à reprendre, à interroger des chemins qui vont par là.

IXes Rencontres Roger-Vailland
Entrée libre

PROGRAMME :
Jeudi 20/11
18 h 30 : Utopie et Poésie, par Francis Combes (à l'IUFM).
Vendredi 21/11
20 h 30 : Aujourd'hui l'Utopie, avec Enzo Corman, Pierre Dosse,
Max Schoendorff.
Samedi 22/11
- 10 h 30 : Le langage Consacré, avec Michel Bataillon, André Dedet, Henri Poncet;
- 14 h 30 : Le Grand Jeu, avec Malek Abbou, Thierry Galibert,
Alain Virmaux;
- 16 h 30 : L'Homme Nouveau, avec Francis Combes, François Eychart, Jean-François. Durand

LIEU :
Centre Albert Camus (salle Gandhi)
Avenue Alsace - Lorraine - BOURG-EN-BRESSE (01)
Tel : 04 74 45 06 07
 - Visuel de la plaquette avec dessin de Roger Vailland -