L'oeil gris de Frank Miyet

Par Odile Blanc

Pérégrinations lentes.
L'espace culturel Joseph Gibert présente,
du 5 au 18 mai, une quarantaine de dessins à l'encre de Frank Miyet. Rues de Paris, Bielsko-Biala (Pologne), Saint-Vallier (Drôme), sont saisies dans un même cadre, photographique, qui leur donne leur format identique et – en partie seulement – leur effet.
La photographie préside en effet à la fabrication de ces images, en tant qu'elle enregistre leur sujet et la gamme chromatique originelle.
Celle-ci est ensuite recomposée, à l'encre de Chine, dans une gamme de gris qui donne à l'ensemble sa cohérence et à l'image son statut en même temps que son effet. L'œil parcourt des vues urbaines et bucoliques, monuments et étendues naturelles, pans de mur et charrettes de foin, traités dans une combinaison de gris medium qui remodèlent les contours et sensualisent les surfaces, à la manière des gravures ou de ces anciennes cartes postales.

Le procédé, au premier abord, intrigue, et sa proximité visuelle avec la photographie ou la gravure déroute. Pour l'artiste,
il s'agit d'une réappropriation du réel, capté par la photographie puis vidé de ses couleurs recomposées dans une gamme "pauvre" dont le "minimalisme" tranche avec les productions visuelles de tous les jours, bruyamment colorées. De fait, la douceur et le velouté du gris font d'un environnement quotidien un sujet pictural,
et transforment les observations et surprises nées au détour des déambulations du promeneur en paysages. La boutique de vêtements trans-genre à l'angle de la rue des Dames est un fantastique kaléidoscope dans lequel se reflètent les enseignes d'en face, le cinéma de la place Clichy est un gigantesque parc d'attractions, d'un arbre au détour d'une rue de Bielsko-Biala semble jaillir une immense détresse ou une sourde menace, les murs et les sols de la gare déserte de Saint-Vallier gardent l'empreinte d'un étrange alphabet, tandis que sens interdit, poubelle, graffiti, plaque commémorative et borne d'incendie se hissent au statut de personnage, tutoyant les statues et les rares passants de ces lieux.
Ces images, invention du réel dont le cliché photographique inaugural arrête le choix, sont la préfiguration d'un projet plus vaste consacré à la vallée du Rhône, au fleuve, à ses rives et à ses habitants, baptisé Platane mobile. A suivre.

Frank Miyet. Pérégrinations lentes
05/05 au 18/05/ 2004
Espace culturel Joseph Gibert
3 quai Gailleton 69002 Lyon
04 72 77 76 76

(1) Rue du Rhône
(2) Rue Lècluse