Le trompe l'œil :
plus vrai que nature?

Par Martine Gayot

Illusion, ambiguïté, imitation, le trompe l'œil joue avec le regard du spectateur en lui tendant des pièges. Il connaît son âge d'or au XVIIe  et au XVIIIe  siècles. Le musée de Brou consacre une exposition tout l'été sur ce thème ludique et propre à la réflexion.

Dans son Histoire Naturelle Pline l'Ancien raconte une compétition entre deux grands peintres grecs. L'un avait peint des raisins si habilement que des oiseaux vinrent les picorer.
Son rival peint alors un rideau couvrant un tableau d'une façon si véridique que le premier voulût le tirer pour voir l'œuvre qu'il cachait et admit que cette performance dépassait la sienne puisqu'elle avait réussi à tromper un peintre alors que lui n'avait trompé que des oiseaux.

Depuis, cette antique légende n'a de cesse d'inspirer les artistes désireux de leurrer le spectateur tout en restant dans un jeu d'esprit : quelles sont les limites de la perception humaine, qu'est-ce que la réalité, ne serait-elle pas elle-même qu'une illusion, la vérité nous restant totalement invisible?
Avant de poser ces questions philosophiques qui ont occupé les penseurs à toute époque, le trompe l'œil en peinture est d'abord un jeu et une provocation qui démontrent le savoir-faire de l'artiste.
Et un genre pictural qui a ses règles pour parfaire au mieux l'illusion. Tous les éléments sont représentés grandeur nature et aucun élément ne doit être coupé par le cadre. Le rendu de la troisième dimension ne s'applique qu'à des petites choses n'impliquant pas beaucoup de profondeur, d'où le nombre de pêle-mêle de papiers divers. Il faut éviter les figures vivantes qui resteraient dans une attitude figée qui ne les rendraient pas réelles. Seules quelques mouches posées ça et là trompent parfois la main. Ce qui laisse malgré tout de nombreux sujets à traiter qui cultivent une ambiguïté et établissent un dialogue avec le spectateur. En effet si les objets représentés sont virtuosement trompeurs, ils dépassent le coté farce et attrape pour fasciner par la signification qu'ils véhiculent, comme le firent ces fameuses "vanités " qui rassemblaient des objets rappelant le temps qui passe et la petitesse de notre condition humaine.
L'exposition au Musée de Brou composée de près de 80 tableaux, meubles et objets provenant de collections privées et publiques de France et d'Europe, s'articule autour de plusieurs séquences pour faire le tour de la question.
L'art doit-il ressembler au monde réel ? Voila un sujet dont Magritte se délectera en peignant une pipe et en écrivant dessous : "ceci n'est pas une pipe". On voit aussi comment le thème a glissé du tableau à l'objet pour s'intégrer à un meuble par exemple, peignant les étagères garnies alors que l'armoire est fermée. Aujourd'hui le trompe l'œil continue à fasciner et de nombreux artistes le cultivent encore.

Jusqu'au 04 septembre 2005, Musée de Brou, Monastère royal de Brou
63 boulevard de Brou, 01000 Bourg-en-Bresse,
Tel : 04 74 22 83 83

(1) Laurent Dabos (1761-1835) Traité de paix définitif entre la France et l'Espagne, après 1801
Paris, musée Marmottan © The Bridgeman Art Library
(2) Jean-Baptiste Oudry (1686-1755) Nature morte aux trois oiseaux, groseilles et insectes, 1712
Agen, musée des Beaux-Arts © The Bridgeman Art Library.