Festival du premier roman
Rencontre avec Philippe Besson

Par Jean-Paul Gavard-Perret

"Et s'il s'agissait seulement de ne pas égarer des sentiments, de retenir des fragments, de conserver des souvenirs, de figer des instants ? d'égrener des jours"
(Ph. Besson, Les jours fragiles)

Né à Barbezieux le 29 janvier 1967 et après son enfance en Charente - tout comme l'auteur des "Destinées sentimentales" Jacques Chardonne - Philippe Besson entre en 1984 au Lycée Montaigne de Bordeaux où il suit une prépa HEC pour entrer en 1985 à l'Ecole Supérieure de Commerce de Rouen. Il s'installe à Paris en septembre 1989 où il débute une carrière de juriste et de professeur en droit social. Il entreprend en 1999 l'écriture de son premier roman, "En l'absence des hommes" qui reçoit en juin 2001 le Prix Emmanuel-Roblès, décerné par l'Académie Goncourt. Son roman suivant, "Son frère", est retenu dans la sélection du Femina. En janvier 2002, le cinéaste Patrice Chéreau lui propose d'adapter 'Son frère' au cinéma. Son troisième roman, "L'arrière-saison" - huis clos fascinant - est récompensé par le Grand Prix RTL-Lire 2003. La même année, Philippe Besson publie son quatrième roman, "Un garçon d'Italie". La référence citée plus haut à Chardonne n'est pas indifférente. Comme lui il possède une prose dotée d'une harmonie secrète qui nous met en rapport avec ce que l'humain possède de plus archaïque et qui nous habite : bref les évènements et les lieux qui nous ont "habités" comme on les habitent (hélas ?) à l'épreuve du temps. Dans "Les jours fragiles" Besson est sur ces plans des plus clairs : "On ne s'abstrait pas aisément de sa jeunesse" écrit celui qui ajoute : "Les lieux sont aussi des liens". Et ils sont notre mémoire. Reste à savoir qu'en faire. Une des solutions est donnée dans ce même livre : "Il faut arranger nos souvenirs. Sans ça, la vie n'est pas supportable". Il faut aussi faire parler le silence sans fond de ceux qui nous échappent car "Il est des silences, parfois, qui blessent plus sûrement qu'une injure".

Tous les livres de Besson parlent de la perte, de la perte et du départ, du départ et de la mort. Tout se passe chez lui, pour ses personnages - comme pour nous - .on a toujours perdu quelque chose ou l'on va perdre quelque chose : "Cela me marque profondément cette idée de ce qu'on a perdu et qu'on ne retrouvera plus. C'est terrible pour moi" dit l'auteur dont le premier titre est d'ailleurs symptomatique de cet état des lieux: "En l'absence des hommes?" . Certes ce titre se justifie aussi par le fait que Besson en est venu à l'écriture des romans par la correspondance. L'auteur précise encore : "J'écris des lettres depuis très longtemps. J'ai commencé à en écrire parce que j'avais envie d'en recevoir. Je n'ai plus jamais cessé". L'auteur aime en effet l'idée que ses mots voyagent, qu'ils réalisent un parcours, qu'ils mettent du temps à arriver au destinataire" et qu'effectivement on pense à leur destinataire en écrivant". Bien sûr, c'est à ce point "limite" que l'écriture d'un livre et celle d'une lettre s'éloignent. Un roman n'a pas de destinataire, il n'est pas écrit pour quelqu'un (sinon peut-être pour soi-même). Mais il existe encore une deuxième différence que l'auteur se plaît à souligner. Dans les lettres a priori on écrit des choses "vraies", "on ne raconte pas d'histoire". Avec les romans, par définition, on est dans la fiction. Et c'est pour Besson un grand plaisir que d'inventer des histoires : "Cela fait partie des choses qui continuent de m'émerveiller. L'invention, c'est le plaisir de la surprise. On est soi-même surpris".
Au cours de son entretien Philippe Besson évoquera plus particulièrement la question du roman avec le secret, l'approche de la littéralité par sa dislocation à travers le roman. Il expliquera aussi, puisque le cadre du festival l'impose la question de la fonction du premier roman : est-il écrit pour soi ou pour les autres et la valeur d'un tel roman en tant que seconde naissance et comme enracinement du statut de l'écrivain.

Rencontre avec Philippe Besson / Modérateur : J-P Gavard-Perret
19 mai 2006 à 17 h / Le Manège - Chambèry
Programme du Festival + informations pratiques : www.festivalpremierroman.asso.fr