Véronique Soriano :
Le temps retrouvé

Par Jean-Paul Gavard-Perret

Franchir les œuvres de Véronique Soriano, leurs portraits décalés revient à accepter de passer la limite de l'être et de sa représentation , d'accepter le saut vers ce qui lui échappe, de se dégager non seulement à proprement parler de ses limites mais de la forteresse dans lequel il est enfermé.
Pendant longtemps en effet "la maison de l'être"
(pour reprendre la formule de Bachelard) était plus une citadelle engloutie pour hantée de fantômes qu'un havre où la vie pouvait se vivre et s'engendrer.
Dans ces dernières œuvres, l'être sort ainsi de son ghetto, de sa forteresse vide.
Une certaine sérénité s'affiche ne serait-ce que dans les couleurs choisies par l'artiste. Nous sommes jetés hors de nous-mêmes comme l'artiste le fait refusant désormais d 'étirer dans le rouge et comme à l'infini ses stigmates, son vide. Elle offre à l'inverse sinon un plein, du moins un délié et la frontière n'existe plus entre le dehors et de dedans. Ce dernier ne fait plus résistance, il; se lance vers la ligne d'un horizon comme si les pulsions règlent leurs marche sur celui du désir de vivre et de peindre autrement.

Le seuil du tableau n'est donc plus un leurre il peut devenir une jouissance. On touche au cri muet du déchirement, à ce qui s'extirpant de l'enfermement devient de l'ordre de l' enfentement dans des images aveux qui offrent une étrange proximité mais aussi un éloignement car tout ce qui nous retient demeure présent dans le découpage même de toiles qui esquissent parfois par métaphore les barreaux de la citadelle d'antan. Tout reste ainsi en équilibre précaire, en formation, en expectative, espérant une levée d'écrous loin de tout fantasme du corps perdu, si ce n'est par l'espace que l'image entoure. Le corps en ces portraits devient lui-même langage, mais non une matière suppliante d'une Marie-Madeleine nouveau genre. Le corps est en retour à une matière jouissante, à une terre promise que Véronique Soriano chiffre et déchiffre à la fois. Reste le passage essentiel. Au cœur de l'enfermement il y a une effraction concrète qui provoque plus qu'un retournement - entendons par là ce qui est le contraire d'une évasion : une invasion, un envahissement. Les œuvres de l'artiste s'étendent afin de glisser une lumière en l'abîme du corps. Ce n'est plus comme dans les œuvres antérieures car ici il ne reste pas seulement des marges, des coulures à la charnière du cri et du silence.
Le portrait surgit en équilibre au moment où la peinture ose la pure dépense, la pure émergence puisque désormais en sa présentation le corps garde l'envie d'être en vie. D'où la " choséïté " ( pour reprendre un mot de Beckett) de toutes ces couleurs qui ne singent ni un dehors, ni un dedans mais vont à leur jonction une fois l'instinct de vie ou d'espérance retrouvé. On s'en remet à lui, on s'en remet à des œuvres à la fois légères mais lourdes d'appels sur les chemins du temps retrouvé.
Oui la peinture de Véronique Soriano est comme une sortie de la cellule de l'être. Elle revient à mettre la vie en place contre la mort toujours déjà passée sans la rendre présente et sans vous rendre présente à elle . C'est pourquoi dans leur solitude chaque figure rayonne de ce qui la déborde. C'est là un exercice de souveraineté face à l'impossibilité de la présence et face à la séparation.

"ETRE-ANGE-THE" Véronique Soriano et Anne Brérot / du 10 juin au 02juillet 2006.
Galerie Tout Un Art :8, av.Victor Hugo. 69450 Saint Cyr au Mont d'Or.
 
www.tout-un-art.com  / Ph. : Véronique Soriano "la sœur de l'ange"©DR
Véronique Soriano : Atelier / Journées portes ouvertes avec un artiste invité : Aurélien Jablonka

23, 24, 25 juin de 11h à 19h
48 rue de la république O1OOO Bourg en Bresse