Where are we going?

Par Catherine Ferey

Une question audacieuse à laquelle l'exposition inaugurale de la collection Pinault, au Palazzo Grassi,
tente de répondre? Ou plutôt un hommage à Paul Gauguin
"Qui sommes-nous, où allons-nous" et une allusion à l'une des œuvres de la collection que l'on retrouve exposée dans la section This is today, de l'exposition, l'installation de Damien Hirst
"Where are we going, we do we come from, Is there a reason" (2004).

Après les aménagements de Gae Aulenti pour les précédents propriétaires, Tadao Ando a naturellement été choisi par François Pinault pour procéder à quelques aménagements, notamment pour les services aux publics (accueil, cafétaria, etc…) dans le palais et pour l'adapter aux nécessités de l'exposition d'œuvres contemporaines. Minimalistes, les interventions de l'architecte japonais respectent le bâtiment. Il a revêtu les salles d'une seconde peau, blanche, orthogonale, séparée des murs par un vide qui permet aux fresques, aux peintures et aux moulures de respirer et aux œuvres contemporaines de trouver les structures nécessaires à l'accrochage. L'éclairage, dû à la société Ferrara-Palladino (sic!) srl est une réussite. Les sources lumineuses et les équipements de sécurité sont logés dans la partie creuse de poutres métalliques autoportantes. Ce dispositif permet de créer l'éclairement idéal pour chaque pièce. Cette conception très souple est à l'image du lieu, qui fonctionnera non comme un musée mais plutôt comme une "Kunsthalle", un espace prévu pour recevoir des expositions. Mais ce principe muséologique et muséographique n'est pas révolutionnaire. Le musée d'art contemporain de Lyon l'avait déjà imaginé, il y a plus de quinze ans, quand il s'est installé dans un ancien bâtiment de Tony Garnier. Il expose ses collections de façon temporaire, sur des plateaux vides, ré-aménagés pour répondre aux nécessités artistiques de chaque nouvelle exposition.

Alison M.Gingeras, conservateur adjoint au musée Gugenheim de New York a conçu cette exposition inaugurale autour de quatre thèmes qui regroupent.
200 œuvres, réalisées par 49 artistes.
Un Prologue donne le ton avec le Ballon Dog (magenta) 1994-2000, de Jeff  Koons qui flotte sur le grand Canal. Il se clôt sur Untitled (Monsieur François Pinault) (2003) Piotr Uklansky, qui joue sur la figure du mécène, dont l'exposition constitue, de fait, le portrait, et dont il fait un portrait "illuminé".
Figuring modern life laisse la place à des expériences de vie contemporaine. Lui (2001) de M. Cattelan, placé presque innocemment dans un angle du palier qui mène vers cette première exposition pourrait passer inaperçu, si le recueillement de ce petit homme au costume suranné n'intriguait. Une grande photographie de Jeff Wall Dead troops talk (1992) évoque et théatralise une scène de massacre digne des grands tableaux d'histoire.
Material as metaphor met en avant la question de la matérialité, avec les expériences picturales de Fontana ou Manzoni.
Styles of negation montre quelques pièces minimalistes de la collection de F. Pinault. Brice Marden côtoie Agnès Martin et Mark Rothko.
This is today fait une large place au Pop art et à l'après pop. Après le célébrissime portrait de Mao par Andy Warhol on retrouve des artistes vivants, Jeff Koons, bien sûr, Takashi Murakami et Damien Hirst.
Bien que cette première exposition ait donné lieu à quelques commandes, dont une installation de l'artiste suisse Urs Fisher dans le hall d'entrée, l'ensemble donne l'impression d'une exposition convenue, presque une exposition d'œuvres déjà historiques. Est-ce le poids patrimonial du Palazzo Grassi qui pèse déjà sur les pièces exposées? Est-ce la rançon de la forte médiatisation dont les artistes collectionnés par François Pinault bénéficient?

Palazzo Grassi / Venise
30 avril – 1er octobre 2006
www.palazzograssi.it

(1) Facade:
Jeff Koons, Balloon Dog (Magenta), 1994 – 2000
High chromium stainless steel with transparent colored coating
(307.3 x 363.2 x 114.3 cm )© Jeff Koons
Olafur Eliasson, Your wave is, 2006
light wire and aluminium variable dimensions (c) olafur eliasson
(2)
escaliers:
Piotr Uklanski, Untitled (Monsieur François Pinault), 2003 / Color photograph
(93.5 x 126.5 cm )
Urs Fischer,Vintage Violence,2004/2005 / Plaster, resin paint, hardware, nylon /
1700 Rain drops Overall dimensions variable