Stéphane Fière, La Promesse de Shanghai Par Marion PicotDans son premier roman "La Promesse de Shanghai" Stéphane Fière nous fait passer d'une Chine ancestrale, familière, paysanne, exploitée, en butte au cortège de vexations et d'injustices générées par un
régime totalitaire, à une Chine nouvelle, inconnue, d'un exotisme bien supérieur : celui de la jungle de Shanghai. Les personnages, des "mingong" (paysans déracinés qui viennent chercher fortune dans la ville la
plus proche et la plus prometteuse) qui viennent s'agglutiner et travailler dans le bâtiment à la construction de nouveaux quartiers riches, sans contrat de travail, sans papiers officiels, sans jour de congé, pour des
salaires de misère, sous le soleil accablant. Comment s'en sortir? Parmi eux, le narrateur fait la connaissance d'une jeune et belle vendeuse de nouilles qui va lui faire changer de vie. Il quitte la
construction pour un job de gardien d'immeuble et un job de maître-nageur, tandis que sa petite amie travaille dans un magasin de vêtements et un karaoké. Toujours beaucoup de travail, mais deux salaires chacun, ce qui
leur permet de vivre ensemble et d'améliorer petit à petit leur ordinaire. On grimpe peu à peu, mais lentement, dans la hiérarchie sociale et les repas, plus fréquents, plus copieux, en sont une preuve concrète. La
jeune fille, Aiguo, est décidément débrouillarde et les fait embaucher tous deux dans un restaurant français, fréquenté par des "amis étrangers", où il achèvent de s'enrichir en pratiquant le sport favori des
arrivistes shanghaïens : rouler les chinois et étrangers riches, crédules, bêtes et ridicules. Dans ce Shanghai corrompu et moderne, toujours très chinois malgré les assauts d'un capitalisme forcené, quel sera le
prix à payer pour rester un être humain? Dure, dure, cette Chine moderne. Stéphane Fière, par le regard ingénu de son héros, donne au lecteur une vision extrêmement réaliste de Shanghai : la foule, le bruit, les
petits métiers, les relations avec une administration corrompue (police, hôpitaux, banques), un état des lieux de la xénophobie chinoise. Pour une fois, "l'ami étranger" n'a pas le beau rôle : on ne remarque
que ses défauts. Mais par un paradoxe compréhensible, l'argent qu'il représente et qu'il dépense reste le nerf de la guerre. La couleur locale est assurée par les clins d'œil de l'auteur : traductions littérales
d'expressions anglaises (cocktail devient queue de poule), noms communistes des bières consommées, fausse candeur des noms des restaurants. Tous les personnages, bien que fictionnels, sont parfaitement crédibles.
L'absurdité des situations imaginées mêlée à l'humour de l'auteur rend ce roman picaresque absolument indispensable à la connaissance de la Chine actuelle, très loin des clichés habituels. On attend la suite des
aventures du héros avec beaucoup d'impatience et ce premier roman est une vraie réussite. A lire de toute urgence, avant de partir pour Shanghai en touriste ou comme "expat" ou simplement pour essayer de comprendre ce
qui se passe vraiment. Stéphane Fière, La Promesse de Shanghai Bleu de Chine / www.bleudechine.fr |