Festivals (2)

Par Dominique Dubreuil

ALPES D'HUEZ
/ Orgue-toute / Rh-A est (38) / 1800m /
5 fois entre 60/07 et 17/08
Peut-être pas festival stricto sensu, mais prolongation d'un effort et d'une invitation à se recentrer autour d'un lieu et d'un instrument: les concerts d'orgue à l'Alpe d'Huez suivent le calendrier touristique mais sans doute est-on moins "rapide" dans son regard visuel et auditif en été.
L'église construite à la fin des années 60 avait apporté l'art contemporain, et dix ans plus tard, Jean Guillou avait inauguré un orgue construit selon ses plans par Detlef Kleuker, dont la forme (de main ouverte, "tenant" les tuyaux) et la lisibilité pour le public fidèle sont restés un modèle de beauté moderniste, tout comme la silhouette de Notre Dame des Neiges s'inscrit hardiment et naturellement à l'horizon du soleil couchant (en contre-jour) de l'Alpe. Pour l'été 2006, les jeudis accueillent cinq organistes, un violoniste et un flûtiste (de Pan). Le jeune Baptiste Marle-Ouvrard encore en formation au CNSM-Paris mais multi-lauréé offre un parcours Vivaldi, Beethoven (adapté, l'allegretto de la 7e), Langlais, Escaich (qui est un de ses enseignants), Marle-Ouvrard (une improvisation), sans oublier l'une des trois partitions écrites par Mozart pour l'orgue (Fantaisie K.608), que la célébration anniversaire aura honorées, de concert en concert . Amadeus est aussi au programme de Jean-Jacques Kasel, avec l'andante K.616, une adaptation du Rondo K.485, et un "Mozart changes" de Zsolt Gardonyi: l'organiste luxembourgeois, disciple de Jean Guillou, est aussi un spécialiste de l'orgue symphonique XIXe-XXe, notamment de Louis Vierne dont il joue le final de la 1ère symphonie et une improvisation reconstituée, auxquels il joint des pièces de Lefébure-Wély et du moins connu Sigfrid Karg-Elert. L'Italien Alessandro Bianchi va de J.S.Bach en Charles Ives et divers compositeurs actuels (Hielscher, Bedard, Stamm, Behnke). La Japonaise (et médecin…) Naoko Nomura, qui séjourne en France pour se perfectionner en orgue et écriture, commence par J.S.Bach et continue par romantisme (Liszt) et post-romantisme (Franck, Vierne). Quant au Patron de l'orgue à l'Alpe, Jean-Paul Imbert, disciple de Pierre Cochereau et de Jean Guillou, il se joint après ses concerts d'hiver à deux musiciens roumains. Le violoniste Christian Ciuca et le flûtiste Cornel Pana jouent en sa compagnie des adaptations de Loeillet, Telemann, Francoeur, Beethoven, Pasini et une Suite folklorique (C.Pana), tandis que l'organiste interprète en solo J.S.Bach et Nino Rota.
(T. 01 45 77 19 74; www.notredamedesneiges-alpedhuez.asso.fr )
Ph.: Les orgues de Notre-Dame-des-Neiges / Alpes d'Huez ©Dr

BOREADES
/ Nuits baroques au Parc / Rh-A.centre (69) / 200m / 14 fois entre 21 et 28/07
La formule est éprouvée, l'entrée est libre, et c'est délicieux pour ceux qui n'ont pas (du tout, encore eu, n'auront pas) leur festival, ni même des vacances en extérieur: " à écouter et voir, assis ou couché, à la tombée de la nuit, dans le cadre unique du Parc (lyonnais)de la Tête d'Or". Les musiques anciennes dont les Boréades sont la spécialité sont jouées et mises en scène, et chaque concert est précédé d'un atelier de pratique artistique. Autour de la Marquise de Sévigné, parisienne exilée (par mariage) en terre drômoise, et qui vit là-bas par les lettres qu'elle envoie à sa fille adorée: les lettres sont lues par Elisabeth Maccoco , leur réponse filiale (qu'on ne connaît pas) se fait en musique grâce à Caroline Gerber, Anne-Sophie Moret et Caroline Huynh Van Xuan. L'Ensemble Poïesis (Marion Fourquier) danse les œuvres musicales de Turlough O'Carolan, harpiste irlandais aveugle du XVIIIe: "harmonies traditionnelles et influences baroques, force, ironie et mélancolie". La Dolce Sere (Benoît- Toigo) célèbre l'immense Guillaume de Machaut, poète et musicien d'un siècle d'or médiéval. (T. 04 72 07 69 38)

CHAPELLES
(du Pilat) / poésie-musiques / Rh-A sud (42) / 200-500m 11 fois entre 14 et 19/07
Entre "voix et musiques", sans rigido-psychisme du parlé contre le chanté, transcourant du classico-baroque au contemporain via jazz et world, voici la 6e édition du festival de Saint-Michel, "le village qui surveille d'un œil le fleuve Rhône assagi". Au sommet du baroque éternel, la chanteuse à la voix angélique Agnès Mellon choisit de raconter "pour petits et grands" la merveilleuse et douloureuse histoire d'Orphée, "demi-dieu et grand poète à la voix de qui personne ne résistait… " sauf peut-être des puissances infernales qui retenaient prisonnière une certaine… Enfin "on dit que c'est un mythe", commente la chanteuse, et elle en instruira les spectateurs. Stradella, Lully, Clérambault, Monteverdi, Rossi et Scarlatti sont appelés à la barre des témoins en tant qu'auteurs d'opéras ou de cantates. Agnès Mellon est accompagnée de Bérangère Maillard au violon et de Florian Carré au clavecin. L'ensemble Artemusia (Laetitia Cattier, Fabrice Vernette, J.David Bürki, Loïc Maître)  explore sur " un air d'Espagne" ce qui depuis si longtemps – et la fin du Moyen-Age –, puis avec la civilisation baroque européenne, si déterminante en Ibérie,   a "forgé l'identité musicale espagnole si singulière, en y intégrant aussi des influences du Maghreb et de la culture juive. L'Ensemble Alcina est, lui, en pleine italianité ou germanité, puisque célébrant l'Eté des 4 Saisons vivaldiennes, et d'autres concertos de J.S.Bach, Vivaldi, Albinoni ou Corelli. Le choeur de voix masculines a capella Phenomenon se tourne vers l'est européen, selon trois sources d'inspiration: les Slaves d'Ukraine et de Russie, les chrétiens orientaux des premiers siècles (IVe), et toujours plus loin vers l'est, le chant diphonique de Sibérie. Quatre instrumentistes (Pascale Merigot, Eva Elosi, Emmanuelle Joly, Isabelle Frison-Rey) et une vocaliste (Sylvie Lemariey) vont "au jardin, l'été", et vous y font rentrer deux B qui ont puisé à l'extrême virtuosité mais aussi aux chants populaires, Jean-Sébastien Bach (les gigues, menuets, bourrées) et Luciano Berio(Folk-songs et Sequenze). Les Percussions de Treffort d'Alain Goudard rencontrent, elles, le clarinettiste-jazz (mais sans frontières) Luis Sclavis. Et le trop discret, secret et subtil Jacques Bertin, "seul avec le chant des peupliers, chante, chante,  arme de fous et arme de saints".
(T. 04 77 73 17 30; www.TourismePilat.com )

CHIRENS
(Prieuré de) / Wolgang,Piotr-Ilitch et les autres / Rh-A est (38) / 300m / 7 fois entre 07/07 et 11/08
C'est la 42e fois que le Prieuré bénédictin de Chirens, en sa belle et pure église romane, accueille des musiciens qui,
en 2006, ne se font pas l'écho médiéval ni même baroque, mais sont résolument sur les terres du classicisme (musical) et du romantisme. Et bien sûr Mozart,
si pas Saint Benoît et ses descendants médiévaux ou ultérieurs: le jeune  et si inventif quatuor anglais des London Haydn prend cela en charge pour un concert de mélanges entre Wolfgang et Amadeus… Au sommet de l'inspiration, le Quintette avec clarinette K.581: et là Eric Hoeprich serre au plus près la vérité instrumentale, qui est une de ses spécialités de chercheur. L'ultime partition de Mozart pour le quatuor à cordes (K.590) est une œuvre austère, au langage contrapuntique affirmé, parfois "brutal", et très moderniste. L'admiration de Wolfgang transparaît dans ses arrangements du Clavier Bien Tempéré de Bach, devenu son modèle en écriture plus encore que Haendel. Quant au Quatuor avec clarinette, il est arrangement de la sonate piano-violon K.378. Les orchestres russes sont également fort présents pour la célébration amadéenne : le Symphonique de Belgorod s'affronte d'un côté au Requiem, conduit par son chef titulaire Andreï Galanov (on entend aussi le concerto pour violoncelle de Dvorak et des extraits de Peer Gynt de Grieg), de l'autre, et avec la direction de l'Argentin Gonzalo Martinez, à la Messe K.317 (Couronnement), et au 2 e concerto pour cor. Un 2nd orchestre russe, le Baltic Chamber – solistes de la Philharmonie de St Pétersbourg, dirigé par le Français Emmanuel Leducq-Barome – accompagne les solistes (probablement pris dans l'orchestre, comme pour le Belgorod) de la Symphonie Concertante violon-alto, K.364, et- joue l'adaptation du 16e Quatuor beethovénien ainsi que la Sérénade de Tchaikovski. Le reste est chambriste… et largement russe. Le Trio Drobinsky (Mark, violoncelliste; la violoniste Alissa Margalis; la pianiste Svetlana Eganian, enseignant au CNSM de Lyon ) joue Haydn, et une page essentielle du répertoire romantique, le 2e Trio  où Schubert sublime à la fin de sa si courte vie  son langage de wanderer hanté par la mort et la beauté. Mikhail Rudy, qui avait commencé sa vie d'exilé russe en Occident par le Triple Concerto de Beethoven avec Rostropovitch et Stern, est un pianiste essentiel de la musique internationale,et son penchant pour toutes les formes du romantisme va de pair avec des engagements dans le théâtre (Le Pianiste, avec Robin Renucci), l'écriture de vidéo expérimentale et le jazz. A Chirens, le voici au cœur battant du romantismeavec la 2e sonate de Chopin et les ultimes opus (116 à 119) de Brahms. Le Quatuor Ludwig, issu du CNSM de Paris (J.Philippe Audoli, Elenid Owen, Padrig Faure, Anne Copery), est une des plus solides formations d'aujourd'hui. Il a choisi deux partitions capitales: le 15e , où Beethoven chante, adagio, sa reconnaissance dans le mode lydien", et le 14e, par lequel Schubert dialogue par la voix d'une jeune fille avec la mort et entraîne dans une vision sans répit du destin et de la modernité d'écriture.
( www.prieuredechirens.fr ) / Ph.: Quatuor Ludwig ©DR

CONQUES
/ généraliste XVIe à XXe / Midi-Pyr.n.est (12) / 500m / 10 fois entre 26/07 et 17/08
Rien n'interdit de continuer à célébrer la beauté de Conques un lieu qui semble hors de toute atteinte  des marchands du temple, et qui défiant les injures du temps, illustre la beauté intemporelle.  Son festival musical d'été, le voici bien ancré dans le paysage, d'ailleurs avec discrétion, et comme de loin en loin. On en viendrait presque à regretter une sorte de dispersion ou de non-cohérence des programmations, et puis on se dit qu'au moins il n'est pas ici recherché d'unité thématique à tout prix. Ou qu'une thématique sera pour la prochaine session… Et d'abord un récital de grand piano classique et romantique, avec l'Américain très tôt à Paris Nicholas Angelich , qui travaille en équipe avec la génération française des chambristes de 35 ans. N. Angelich, qu'on peut placer dans les classiques (précoce: il jouait à 7 ans le 21e concerto de Mozart !) et surtout romantiques, s'intéresse particulièrement à la musique de notre époque : Boulez, Stockhausen, Pierre Henry (dont il a été le créateur du Concerto sans orchestre pour piano). Son programme de Conques explore la modernité de Haydn (32e Sonate) avant de passer à son domaine d'élection: le côté légendaire de Brahms dans les Ballades op.10, et le Rachmaninov très lié à la description picturale ou introspective des Etudes-Tableaux op.39. On voyage  à Londres, avec l'Orchestre de Chambre de Toulouse, que dirige Gilles Colliard. Cet Orchestre a une longue histoire, plus que cinquantenaire, depuis sa fondation par Louis Auriacombe, mais après quelques aléas ces dernières années et avec le soutien de bien des amis, il s'est refondé en auto-gestion. Ses  permanents reprennent les chemins tracés par L.Auriacombe, se partageant entre ce qu'on ne nomme plus que le baroque, et le contemporain, dans l'état d'esprit du fondateur: "Devant l'empereur du Japon ou le gosse de la cité, nous jouons avec la même énergie" Gilles Colliard, violoniste venu des horizons barocco-limousins (ex premier soliste chez Christophe Coin) est aussi compositeur. Il dirige à Conques un sage programme: Purcell, puis Elgar et Britten. L'ensemble Arianna de Marie-Paule Nounou fera, lui, "sonner les trompettes d'une rive à l'autre" grâce au soliste Jean-François Madeuf, et il doit s'agir, autour du même Purcell, d'un programme anglo-baroque. Le petit groupe au doux nom –Jardin de musique – est, lui, très centré flûtes, autour de ses fondateurs Béatrice Delpierre et Jean-Noël Catrice; on visitera, sous la conduite de ces jardiniers, les Prés de Josquin, Attaignant, Janequin et Du Caurroy. Saut résolu vers plus rudes illuminations ou saisons avec le Quatuor Ludwig, dont les goûts romantiques se tournent aussi vers des formulations et des compagnonnages inattendus, par exemple scientifiques (avec Hubert Reeves), et souvent vers théâtre et danse. C'est cette fois avec le comédien Didier Sandre, lui aussi très philo-musicien, qu'ils feront écouter Beethoven, Debussy, Ravel et Janacek, ces compositeurs qui pensaient aussi parfois qu'il faut "asseoir la Beauté sur ses genoux et l'injurier", donc dans la violence prophétique des textes de Rimbaud. Ces cinq donneront-ils la clef de la parade sauvage? Voyage contemporain enfin, avec le groupe des chanteurs Les Eléments que dirige Joël Suhubiette  (ancien assistant de Philippe Herreweghe) et qu'accompagne la pianiste Corine Durous: partant de Shakespeare – dont le génie n'a pas d'âge – et via Francis Poulenc, aux rapports si fructueux avec la poésie de toutes les époques, Les Eléments vous feront rencontrer l'œuvre de  Philippe Hersant – lui aussi très attiré par la poésie baroque ou romantique- , et la présence au concert de ce grand compositeur au comportement public discret mais chaleureux apportera sûrement beaucoup à ce concert de clôture. Des stages pour les jeunes musiciens (concerts à l'issue de sessions) et expositions (dans le cadre du très convivial Centre d'art et de civilisation médiévale) complètent le dispositif.
(T. 05 65 71 24 00; www.festival-conques.com  )

CORDES EN BALLADE
/
toute chambre / Rh-A sud (07) / 100 à 200m /
9 fois du 07 au 16-07
8 ans déjà que les Debussy ont inventé de ballader les cordes : pourquoi changer une formule qui enchante et instruit? Le festival demeure studieux en son académie où les jeunes viennent écouter, progresser et se donner:
sous les titres de concert des stagiaires ou concerts Jeunes Talents, on écoutera ces bien-plus-que débutants dans Schnittke et Pärt. Il est aussi ludico-ambulatoire pour les spectateurs, qui rencontrent les artistes et découvrent des hauts-lieux du patrimoine, sans négliger les buffets de spécialités ardéchoises pour récompenser l'effort. Dans le programme des concerts, on ne néglige pas les anniversaires, fussent-ils les plus  fréquentés du monde: ainsi Mozart, mais c'est pour partie en transcription, de deux concertos de piano (K.413 et 414, de 1782, "ni trop faciles, ni trop difficiles") pour le clavier et le quatuor à cordes (cf. cd. analysé dans plumart/mai 06), François Chaplin et les Debussy, qui ajoutent l'admirable adagio et fugue K.546, génial hommage d'Amadeus à la pensée de J.S.Bach. Mozart encore présent grâce aux remarquables partenaires des Debussy, les Amati: le K.80 est le premier quatuor signé à 14 ans, lors d'un voyage en Italie (d'où le surnom de "Lodi"). Les Amati ajoutent un Verdi – mais si, et ce n'est pas adaptation d'opéra! -, un Hugo Wolf, et une pièce-tombeau du compositeur suisse J.Wildberger, Commiato (1996). Dans leur 2nd concert, les Amati se consacrent à Schumann (mort en 1856, devinez l'anniversaire) dans les 2e et 3e de l'op.41 et Haydn (op.76 / 4). Et leur cher Chosta , dont ils viennent d'achever l'intégrale des quatuors( cf.plumart/ avril 06),  - il aurait 100 ans dans la Russie de Poutine mais n'aurait sans doute pas aimé ça non plus…-, Dimitri ne manque pas à l'appel avec ses 5e et 7e : en écho le quintette avec clarinette (David Krakauer) d'Osvaldo Golijov, (1994), "plongeant ses racines dans la musique traditionnelle juive, les mélodies d'Europe Centrale et la tradition russe". Ne pas oublier d'oublier trop de tension en écoutant le nouveau spectacle du Quatuor, pince-sans-rire et faisant rire de tout, mis en scène par Alain Sachs.
(T. 04 72 48 04 65; www.francefestivals.com ) /
Ph.: Quatuor Debussy @Colin Laurent

L'EMPERI
/ Chambre XVIIIe/XXIe / PACAouest (13) / 100m / 9 fois du 31-07 au 09-08
14e édition des musiciens conviviaux, chercheurs d'inédits ou de nouveaux regards et qui vous reçoivent en leur Salon d'été. Eric Le Sage, Paul Meyer et Emmanuel Pahud, les fondateurs, invitent du beau monde, et des "nouveaux jeunes". La tonalité, sans accrochage obsessionnellement souligné à l'happy birth day, est romantique : XIXe et néo, si on ose employer ce terme un peu dévalorisant en présence du compositeur résident de 2006, l'Allemand Wolfgang Rihm. Cet élève de Stockhausen et de Klaus Huber a plutôt choisi la voie dramaturgique, non abstraite de l'écriture, et son opéra "Lenz" est hommage à l'une des figures vénérées du romantisme, ce disparu-déraisonnant dans le froid de Moscou et des errances duquel Büchner a tiré une nouvelle bouleversante. Ici, les chambristes donneront 7 partitions de Rihm. Les romantiques du XIXe dominent le paysage: Schumann avant tout, avec ses sublimes 1er et 3e Trios, le Quatuor op.47 et le Quintette op.44,et les plus rares Images d'Orient, Etudes en forme de canon ou Récits de contes de fée.  Brahms est tout près de Schumann (Variations piano 4 mains sur un thème de Robert), et en lui-même avec trois Trios, deux Quatuors avec piano, le sommet poétique du Quintette avec clarinette, la 1ère Sérénade, le 1er Sextuor (celui des Amants peu diaboliques de Louis Malle, puisqu'il y a du cinéma dans l'air du Salon, cf.ci-dessous)… Du Mendelssohn (1er Trio, Quintette op.89), du plus rare Reinecke (deux Trios), et en pré-écho, le Mozart tragique du Quintette K.516. Pas de Beethoven mais une pincée de Hummel et de Spohr, pas de Schubert et encore pas de Schubert (tiens, ce n'était point  romantisme?). J.F.Ziegel fait la Leçon de musique sous l'écran, avec du Borzage et du Epstein (La chute de la maison Usher), pourvu que la lézarde d'Edgar Poe ne fasse pas crouler le mur sur ce pauvre pianiste! Emmanuelle Cordoliani et Lambert Wilson lisent les courriers intimes de Robert et Clara dans une soirée "Correspondances". Car – et c'est une astuce amusante, une accroche comme on dit dans la presse – chaque concert a son titre allusif : à vous de décrypter, en commençant par la fin, c'est trop facile, une "Nuit transfigurée" qui signale in extremis un hommage à Schoenberg. Le père du jeune altiste Antoine Tamestit a écrit un Zapping que joue son fils, et c'est le titre du concert d'ouverture. Mais trouverez-vous pourquoi "L'innommable", it isn't Beckett?
(T. 04 78 64 81 65; www.festival-salon.fr )

GUIL-DURANCE
/ chambre XVIe à XXe / PACA nord / 05 / 1000 à 1800m 22 fois entre 17/07 et 11/08
Aux frontières des Alpes du nord et du sud, ce festival continue sur une lancée qui a fait connaître des ensembles pas forcément célèbres mais qui méritent l'attention des mélomanes. Et qui pratique aussi l'invitation à d'autres, très confirmés. L'anniversaire mozartien est en tout cas très présent en 2006. Chez les Solistes de Mainz, des Petits Riens, des extraits transcrits de l'opéra "L'Impresario", par le Quatuor Lopez, le si beau K.478 pour piano et cordes (en même temps que Brahms et Turina); des lieder (dont les deux plus profonds, Quand Louise, et Sentiment du soir), le Rondo K.511 et la Fantaisie K.475 ; les Quatuors avec flûte. Les Elysée donnent le 1er de la série dédiée à Haydn (K.387) et l'Adagio et fugue, hommage à J.S.Bach (K.546), en même temps que le 11e de Beethoven et le 11e de Chostakovitch. L'ensemble Fidelio se consacre évidemment à Beethoven (Octuor), mais aussi à Mozart (la très belle Sérénade pour vents K.388). Le gradn quatuor tchèque Talich joint Haydn (op.64/5) ) à Ravel et Chostakovitch (le 14e). Jean-Marc Luisada le chopinien joue la 3e Sonate  et des valses de son compositeur-fétiche, et Beethoven (la Pathétique) accompagné de Weber, Tchaikovski, Poulenc et Bartok. L'Ensemble Jachet de Mantoue fait visiter le Renaissance Anglaise (Tallis, Sheppard, Parsons), la Capilla Espanola émeut avec le ton mystique de Morales et T.L. de Vittoria. Le chœur turc Ankapella itinère très largement de Gesualdo, ou Victoria en fin XIXe (Bruckner) et XXe (Duruflé, F.Schmitt, Sviridov, et des compositeurs turcs). De jeunes orchestre – Russes de Rostov, dans Sibelius, Dvorak et Grieg – et chœur – Maîtrise de Seine Maritime – pour Lassus, Schütz et Bach – donnent la réplique à la Camerata Musicale Mista (dans Vivaldi et Bach). Le Quintette Harmattan est dans Dvorak et Mendelssohn, le Beaux-Arts strings Trio dans les 1er et 2nd trios de Beethoven.
(T. 04 92 450 371; www.musicales.guil.net )

LABEAUME
/ généraliste / Rh-A-sud (07) 200m /
17 fois entre 20/07 et 18/08
Baignade certes (encore que 2006 ne soit pas hydrologiquement très prometteur,
pour employer un euphémisme, raison de plus de s'attarder au crépuscule et à la nuit  sous les falaises!), mais patrimoine naturel et archéologique
(à quand des concerts autour des dolmens?),
quartiers d'hiver prolongés en festival estival:
c'est Labeaume… Et de l'itinérance, à l'image du concert d'ouverture qui vous fera suivre le Concert Impromptu (quintette à vents) en dix lieux pour dix impromptus. Le même jour, ou plutôt la nuit du même jour, deux claviéristes – la pianiste roumaine Dana Ciocarlie, disciple de Christian Zacharias, l'accordéoniste multi-créateur de partitions contemporaines Philippe Bourlois  - , un trio (les Wanderer) et un quatuor (les Debussy) s'unissent pour jouer en géométrie variable Mozart (tiens!), Franck, Enesco, Constantinescu et d'autres. Le même Philippe Bourlois adapte Wolfgang à ce qu'on appelait naguère le piano à bretelles, ce qui n'eût sans doute pas déplu au gamin provocateur des faubourgs de Vienne. L'Orchestre de Savoie (O.P.S.) donne son programme d'été, Graziella Contratto faisant "des clins d'œil à Mozart" dans le Divertimento K.136 et la 25e Symphonie,  avec Franck Braley pour le Concerto K.271 (le primo assoluto des Grands) et les variations de Chopin sur La ci darem la mano, et des amusettes XXe , de Raskatov et de Berio. Re-tout-Mozart grâce à la Camerata de la Philharmonique berlinoise dont le clarinettiste Wenzel Fuchs, pour le Quintette K.581, le Divertimento K.56 et une transcription de la Gran Partita K.361. Côté baroquisme, voici Bach en sa gloire: l'assistant de William Christie et prestigieux soliste Kenneth Weiss joue concerto Italien, Fantaisie chromatique et fugue, les frères Hantaï – Pierre au clavecin, Jérôme à la viole de gambe –,  les Sonates BWV 1027 à 1029. L'Ensemble Poïésis poétise en toute subtilité sur les partitions italiennes du début XVIIe. Avez-vous déjà vu un sextuor de harpes? Oui? non ? En tout cas, vous serez attentif au concert d'œuvres adaptées (Sandrine Luzignant)  pour cette formation fort unique, dirigé par le flûtiste et chef Stephan Gabriel Formhais. Et en bord de rivière, ce ne seront pas harpes éoliennes… C'est aussi en frontière de l'eau que la généreuse Barbara Hendricks, accompagnée au piano par Love Derwinger, fera écouter 5 Fauré (dont "au bord de l'eau", justement), 6 Beethoven, 5 Mahler, 4 Schoenberg, 6 Poulenc et 5 Kurt Weill. De l'opéra, et même un Barbier de Séville, ou Rossini sous formule de chambre en nature cévenole: c'est la Compagnie Diva Opera de Bryan Evans qui porte cela, dans une mise en espace de Wayne Morris.   Et il y a aussi le sans-frontières des cultures, que cultive Labeaume: la Méditerranée orientale guitare et oud, par Marc Loopuyt, les voix et les instruments tziganes de Urs Karpatz, le Tanguisimo de José Luis Barreto et Ludovic Michel. Sans oublier l'inclassable Classixties du groupe Indigo, "une bande de copains liés par le goût du bel canto sauce boutade"; et les fanfares marrantes des Chevals (ne corrigez pas, c'est volontaire), Brass Bande à la Conque pour faire sonner cette fois les films de Jacques Tati.
(T. 04 75 39 79 86; www.labeaume-festival.org ) /
Ph.: Franck Braley @DR

LUBERON
/
toutquatuoretquintette / PACAcentre (13) /
100m /24 fois du 08/07 au 27/08
31e, et un festival de quatuors à cordes purs, comme on dit la musique pure,
c'est rarissime. Le quatuor à cordes, depuis son fondateur en noblesse, Josef Haydn,
a été et demeure le laboratoire par excellence. La Provence y ajoute, évidemment, avec ses abbayes et ses églises. On y est voisin de la Roque d'Anthéron,
et la complémentarité s'y devine, dans un genre plus austère que sous les arbres du parc de Florans. Bref, un rare monument à préserver, et qui persévère dans son être essentiel. La formule est immuable: concerts groupés par trois lieux et dates pour chaque ensemble, du début juillet à fin août. Il y a les "historiques" - Fine Arts, Amati, l'altiste fondateur des Talich – et les plus jeunes. On y insiste évidemment sur les valeurs sûres du parcours musical, mais le XXe proche, voire le XXIe n'y sont pas négligés. Ainsi pour les Rubens, qui ajoutent au classique-romantique Mozart-Beethoven (16 e)-Schumann(3e) le 2e de la compositrice russe Sofia Goubaïdulina. Et les Elysée qui créent (mondialement) le beau titre de Dominique Lièvre – disciple d'Antoine Duhamel, dans la lignée de Dutilleux ou Ohana -,  Au bord des silences, qui convient tout à fait à Silvacane… Mozart oui, évidemment, mais on n'a pas attendu 2006 pour en faire un "en résidence" permanent: cette année, il est dans le programme de chacun des Huit (quatuors). En particulier le douloureux K.421 chez Fine Arts, le K.387 – 1er de la glorieuse série à Haydn – avec les Amati, le K.465 (Dissonances) pour Elysée, donc la moitié de la dédicace à Haydn; et le quintette K.515 pour les Joachim et Jan Talich (qui jouent aussi l'op.111 de Brahms et Dvorak).  En quintette encore, le sublime Schubert (les Aviv et  la violoncelliste Tami Waterman). Schumann (ah! l'anniversaire…) est présent avec deux sur trois de son op.41, Rubens et Amati.  Les Fauré "germanisent" avec l'immense op.131 de Beethoven, Mozart (K.575) et Webern. Carducci (9e , mais ils pensent aussi à Britten, le 1er), Fine Arts (7e) et Aviv (10e et 3e) n'oublient pas happy birthday Dimitri (Chostakovitch). Du plus rare avec les Amati, qui inscrivent Szymanowski (2e). De la vraie vie, avec les Aviv dans le 1er de Smetana. Du moins connu qu'au clavier, pour les Elysée dans le 2e de Rachmaninov… Prima la musica!
(T. 04 90 75 89 60; www.festival-quatuors-luberon.com ) /
Ph.: Quatuor Aviv @DR

MESSIAEN
(La Meije) /  Comme son nom l'indique / PACA-nord (05) / 1500m/ 13 fois entre 20 et 29/7
Prima la melodia? Primo il ritmo? Olivier Messiaen, qui tant aima la première, mettait pourtant sur les cimes des Alpes, d'Asie et de l'âme le rythme, dont il eût volontiers écrit (sauf peur de blasphématoire citation-transcription): In principio erat Rhythmus. Pour la 9e année, le festival sous Le Doigt de Dieu (un des pics de la Meije) aborde cette thématique essentielle, conduite par trois disciples du Maître, Michaël Levinas, Tristan Murail (deux fondateurs de l'école "spectrale") et Michèle Reverdy. Bien sûr, Messiaen domine en nombre d'œuvres:à commencer par des Etudes de…rythme, que joue au piano Michaël Levinas (concertiste), en continuant par Les Corps Glorieux (orgue: Michel Bourcier), Canteyodjaya (Roger Muraro, le plus jeune disciple bien-aimé), en levant les yeux au ciel pour l'intégrale du Catalogue d'oiseaux (par Markus Belltheim) et la partition du seul Merle Noir, en scrutant l'amour dans Harawi, le Thème et les variations, et en allant voir ce que le Quatuor dit de la Fin du Temps (Paul Meyer, le Trio Wanderer). De Michaël Levinas interprète de soi, 3 Etudes. De Gérard Grisey, autre spectral, un Vortex Temporum.  De Tristan Murail, une création mondiale pour mieux s'orienter, Portulan (par l'ensemble lyonnais des Temps Modernes, qui est interprète particulièrement autorisé du compositeur, cf. leur dvd. Analysé dans plumart). Et Michèle Reverdy trois fois nommée, avec son quatuor L'Intranquillité (origine Pessoa , on suppose), 5 pièces pour violoncelle (Marc Coppey) et le Trio Nomade (C.Desjardins, P.Laul, M.Coppey: création mondiale). Création mondiale d'une autre compositrice, Betsy Jolas: Postlude (Roger Muraro). Il y a aussi les "associés": Ligeti - surtout l'intégrale des redoutables Etudes de piano (Toros Can)-,  Dutilleux, Bartok, Stravinsky, jusqu'à ce Mozart que le Maître admirait entre tous (ah, zut, on allait oublier l'anniversaire. Ou comme disait le théologien (protestant!) Karl Barth: "Je ne suis pas sûr que les anges, lorsqu'ils sont en train de glorifier Dieu, jouent de la musique de Bach; je suis certain que lorsqu'ils sont entre eux, ils jouent du Mozart"; donc Trio K.498, la sonate K.332,le Quatuor pour flûte K.285). Et en retournant au XXe, deux compositeurs récemment disparus dont Messiaen doit de Là-Haut, louer l'inspiration spiritualiste: Jean-Louis Florentz (Debout sur le soleil, pour orgue) et Olivier Greif (Chant de l'âme, pour soprano – Gwenet-Ann Jeffers – et piano – Cédric Tiberghien). Animations et conférences, randonnées pour géomorphologie (la science de l'histoire des formes de la terre, Messiaen s'y intéressait), ornithologie (Yvonne, tu n'as pas oublié le magnétophone et mon béret?) et amour de la montagne.
(04 76 79 90 05; www.festival-messiaen.com )