Festivals (4)

Par Dominique Dubreuil

SAVOIE (Rencontres Musicales de)
/ chambre diverse / rh-A est (73) / 250m /
9 fois entre 18/07 et 04/08.
Le thème de la rencontre –
qui figure dans le titre – envoie dans plusieurs directions.
Et aussi, puisque nous sommes en terrain alpin, vers une participation active des publics aux circuits pédestres qui permettent de voir des paysages et de l'archéologie patrimoniale et aux… haltes dégustatives inhérentes. En matière de programmation, les ouvertures se font depuis la musique classique et contemporaine vers des formes théâtralisantes et vers les musiques du monde. Sans oublier, au point de départ, l'hommage à Mozart, ici rendu par l'Orchestre des Pays de Savoie (OPS, comme il se doit), que conduit Graziella Contratto pour la 25e Symphonie (petite sol mineur, grande en tourment), le 23e concerto (et la Sicilienne entre mélancolie et désespoir, Frank Braley choisira un versant ou l'autre), le Divertimento K.136. Et en clin d'œil, une pochade d'Alexandre Raskatov, 5 minutes Wolfgang, les variations de Chopin sur le La ci darem la mano (Don Giovanni, A.Braley), et un petit Berio à propos de Papageno. Mozart n'était pas descendu jusqu'au Vésuve, mais Doulce Mémoire (Denis Raisin-Dadre) crie Viva Napoli!, l'historique, la populaire, celle qui chante depuis que le soleil s'est levé sur la mer. Selon une autre forme de magie, la violoncelliste Valérie Aimard ne se contente pas de jouer des Ricercare de Gabrieli ou la Suite en ré de Gaspar Cassado: elle utilise la 5e corde sensible qu'elle a découverte au fond d'elle-même et s'étant initiée à "l'art de l'Essentiel, le mime" , raconte par des gestes l'Italie et l'Espagne baroque ou modernes. Plus classiques mais bien séduisantes les harpistes en duo: Marielle Nordmann et Christine Icart ( la maître et la disciple de naguère) emmènent vers adaptations et partitions originales (pour harpes) de Bach à Scott Joplin, en passant par Schubert, Albeniz ou Debussy. Plus espagnol encore et surtout argentin, le tango dans tous ses états: c'est Passion-Tango du groupe Otono Porteno Quartet, dont l'alpha et l'omega sont bien sûr Astor Piazzolla. Soliste, le violoniste Gilles Apap va de Bach et Ysaye en airs traditionnels irlandais. Quant au Slonovski Bal venu musicalement d'entre Balkans et Tziganie, il est annoncé qu'il fera souffler en clôture un vent de tempête sur les Rencontres.
(T. 04 79 22 37 79; www.rencontresmusicales-savoie.com )
Ph. : Christine Icart ©DR

SAINT-GUILHEM
/ baroque / Languedoc nord (34) / 200m / 5 fois du 04 au 09/07.
Le lieu bien sûr, hautement inspiré. Le caractère rassemblé, précieux des choix. Cette année, la musique est française, et on la dirait baroque si, comme à propos de l'architecture, on n'avait pas des réserves à faire, profondément différentes de ce qui se passerait à même époque dans les péninsules italienne ou ibérique. C'est toute l'interrogation sur ce qu'on appelle l'art français du XVIIe et du XVIIIe, qu'il s'agisse, en matière de chronologie royale et des Trois Louis, de XIII, XIV (et encore, il a deux "âges", en son interminable règne!) et XV. Ainsi que nous l'ont appris les premiers maîtres-initiateurs en baroquie poétique française, tel Jean Rousset, tout n'est pas clair dans le déroulement qu'on avait pensé harmonieusement successif du baroque et du classique. Il serait plus légitime d'évoquer des alternances, des ombres et de la pleine lumière. Ces quelques considérations d'évidence quand on regarde l'évolution artistique et particulièrement musicale de cette époque peuvent faire amorcer aux spectateurs de Saint-Guilhem 2006 une réflexion, car ceux-ci ne vont pas vers le haut-lieu dans un état de certitude simplificatrice, et ils n'avalent pas tout distraitement. Donc parmi les 5 programmes, qu'est-ce qui est authentiquement baroque ? Tout, mais pas tout ! La présence du violiste catalan qui révéla au grand public, via Tous les matins du monde (le film de Corneau, qui "suivait" si respectueusement le livre de Quignard), le troublant univers de Marin Marais et de Monsieur de Sainte-Colombe, nous allions dire "notre Jordi Savall national" ( européen convient tout à fait), symbolise cette dialectique d'ombres errant entre les arbres et les bâtiments du XVIIe finissant et d'aurore qui se lèvera au début du XVIIIe. Marais lui-même n'est-il pas à la fois Racine et Molière, tendre et cruel et réaliste et ironiste? Couperin, Marais, Sainte-Colombe, Forqueray, de Machy ne sont-ils pas surtout du monde de "la rêveuse", comme sous-titre Jordi Savall pour son 1er concert, en soliste? Les violes du Roi Soleil, pour le 2nd concert avec le théorbiste Rolf Lislevand et le claveciniste Michael Behringer, est-ce seulement éblouissante clarté? Relais passé d'un claveciniste à l'autre, le Belge Laurent Stewart nous posera les mêmes types de questions, en y joignant pour le XVIIIe commençant l'art du portrait que cultivent Couperin et dans une moindre mesure Rameau: et ça, cette investigation de la psychologie, c'est classique ou non? Et en revenant un peu en arrière, ces Tombeaux, ils appartiennent à la pompe funèbre baroque ou à la méditation pascalienne et à la Leçon de ténèbres? "A deux violes égales", le quatuor de Sylvia Abramowicz (avec Jonathan et Thomas Dunford, rejoints par Laurent Stewart) nous apportera des éléments de réponse. L'Ensemble Pierre Robert (4 solistes vocaux et instrumentaux conduits par l'organiste Frédéric Desenclos) nous enverra en direction de pages religieuses de Marc-Antoine Charpentier, Louis et François Couperin , qui disent aussi la complexité du regard intime de l'homo gallicus louis-quatorzien, son désir de lumière et sa part d'ombre. Hors festival proprement dit, les Heures d'Orgue de Saint Guilhem déclinent aussi des questions de cette nature, à travers la beauté de la musique ( 7 fois entre 19/07 et 30/08).
(T. 04 67 57 44 33)

SISTERON
 / généraliste / PACA centre (04) / 100m / 25 et 28-07, 05 et 08-08.
Et allez, encore une série de Nuits sur la Citadelle: le cap du demi-siècle est franchi en 2006. Après une ouverture chorégraphique par Angelin Preljocaj où Stravinsky (noces) et Ligeti (Centaures) convoqués, la tradition sisteronienne des 4 concerts est respectée. Le clarinettiste Paul Meyer donne, en compagnie du Quatuor Ebène ( qui joue aussi le chef d'œuvre de Ravel) les deux sommets poétiques, aux couleurs de zénith et de quasi-crépuscule parfois, que constituent les quintettes de Mozart (K./581) et de Brahms (op.115). Encore Brahms, mais avec l'orchestre dans "le double" ( les frères Capuçon au violon et au violoncelle): le Philharmonique de Monte-Carlo, dirigé par Thomas Sondergard, pastoralise avec la 6e de Beethoven, et le ciel se montrera peut-être à l'unisson de l'orage survenu puis apaisé sur les réjouissances de la Citadelle. Puis drôle d'endroit pour une rencontre entre le cloître Saint Dominique et un opéra de chambre, surtout s'il s'agit du Barbier de Séville, la Compagnie Diva Opera, dirigée par Bryan Evans et mise en espace par Wayne Morris réunit dans les principaux rôles Cerys Jones, David Stephenson, Nicolas Sharratt et Steward Kempster. La cathédrale voit enfin converger les chemins de pèlerinage des XIIIe et XIVe: sous la conduite éclairée de Jordi Savall, Montserrat Figueras, la Capella Reial et Hesperion XXI font reconnaître des musiques qu'ils firent naguère ressortir de l'ombre et qui ne cessent d'émouvoir ceux qui croient au ciel et ceux qui n'y croient guère.
(T. 04 92 61 06 00; www.sisteron.com )

SYLVANES
 / tout-sacré-ou-presque / Midi-Pyr-est (12) / 600m /
28 fois entre 09/07 et 27/08.
29e d'un Festival qui affiche la musique sacrée – donc un écho plus large que le religieux chrétien proprement dit, Dieu merci – et qui rayonne en patrimoine à partir de l'abbaye romane de Sylvanès, au cœur battant du Massif Central méridional.
On surprendrait en disant que Mozart manque à l'appel: donc le Requiem et son (bref) miroir d'intensité mystique, ici conduit par un grand chef de chœurs, Michel Piquemal, avec l'Ensemble Contrepoint, le Festival Choral, et les solistes (H.Thebault, J.Mayeur, A.Vabois, J.J.Serre). Idem Ave Verum, et aussi Vêpres d'un Confesseur, et Messe hyper-baroque comme une église autrichienne dite du Couronnement, par l'Atelier choral de Sylvanès, Camerata Vocale de Brive, Forum Sinfonietta, les solistes (A.K.Varaut, F.Rousselle, D.Webb, G.Lathuraz), sous la direction de Jean-Michel Hasler. Même baroquisme exacerbé pour l'Exultate Jubilate, bellement affronté à l'ouverte de Don Giovanni, et pacifié par le long ruisseau brièvement intranquille de la Symphonie Pastorale (6e) de Beethoven, et alors c'est l'Orchestre des Régions Européennes qui joue, dirigé par Konrad von Abel. On ne négligera pas les sonates d'église de Wolfgang, surtout si elles sont en compagnie d'un Stabat Mater de Boccherini jouées par l'ensemble spécialiste Les Folies Françoises de Patrick Cohen-Akenine (Hanna Bayodi, soprano; Béatrice Martin, orgue). Au fait, chez Mozart, et ce qui n'est pas bien catholique, mais profondément ancré en espérance et foi (dans l'humain): la dimension maçonnique nous semble ici manquer, ce pourrait être lors du 251e anniversaire... La personnalité de Benedetto Marcello est passionnante, et ses Psaumes de David (interprétés l'hiver dernier à Lyon dans le cadre du Festival baroque) montrent un musicien vénitien soucieux de regarder vers la foi juive: c'est comme à Lyon Fuoco e Cenere de Jay Bernfeld qui fait jaillir la flamme. Plus catholiques-traditionnelles sont les Vêpres non moins vénitiennes de Nicolas Porpora, célébrées par le Baroque de Montauban (Jean-Marc Andrieu). La Jephté de Carissimi et la Messe des Morts de Campra sont en miroir italien et français du sacré, grâce aux Baroqueux de Montpellier, que dirige Jean Gouzes. L'ensemble Witiza (chanteurs et instrumentistes "médiévaux" et orientaux) fait voyager du chant grégorien à la polyphonie de Josquin des Prés, tandis que les sociétés rurales d'Occitanie sont scrutées par le chant de Renat Jurié et les instruments en roseaux de Jean-Pierre Lafitte. L'Actus Tragicus de Bach, les motets de Schütz et le Miserere d'Allegri (coucou, Wolfgang!) sont interprétés par la Maîtrise de Seine Maritime (Jean-Joël Duchesne). Le religieux fin XIXe-version adoucie sinon un rien doucereuse (Gounod, Franck, Massenet…) figure grâce au duo du ténor Patrick Garayt et de l'organiste Slava Chevliakov. Et un hommage est rendu au Père André Gouzes par sa Cantate de l'Apocalypse (Capella Silvanensis, Chœur liturgique dirigés par Jean-François Capony). Bien sûr, il y a les regards étrangers proches ou lointains, et ce sont eux qui composent une grande et belle part du message sylvanésien… On voyagera donc en Ouzbekistan (Monäjät Yultcheva), en Mongolie (Groupe Egschiglen), en Kurdistan (Azadi), en Algérie berbère (Houra Aïchi), au Burundi (Tambours), à New-York pour gospels negro spirituals (Glory Singers), sans oublier pour se détendre une "nuit blanche à Saint-Pétersbourg, au cabaret russe" (Dimitri et l'ensemble Troïka). Plus près de Sylvanès: chœurs occitans (Lo Cor de la Plana), flamenco andalou (Al Andalus), polyphonies du Pays Basque (Jean-Marie Guezela). Quant à la nuit du rock chrétien (Ararat, Carmen Z), elle est sûrement…endiablée dans les limites du raisonnable en terre aveyronnaise, mais on peut suggérer des recherches programmatiques un peu approfondies du côté de la musique sacrée du XXe et du XXIe… Bienvenue à la 30e!
(T. 05 65 98 20 20; www.sylvanes.com )
Ph.: Rinat Shaham ( Mezzo soprano de l'ensemble Fuoco e Cenere) ©DR

TARENTAISE
 / baroque toute / Rh-A est (73) / 800 à 1700m /
15 fois entre 14/07 et 10/08.
15 ans, le baroque encore et toujours flamboyant dans les églises et les chapelles de la Belle Vallée,
une odor d'Italia venue des brèches et des cols orientaux. Des circuits permettent de mieux connaître les méthodes agricoles ancestrales, les trésors du patrimoine, la mosaïque des communautés chrétiennes (catholiques, et orthodoxes vers Ugine… ).
Et une bonne habitude festive qui s'installe:
ce Baroque s'ouvre par un p'tit bal du 14 juillet, républicain mais aussi Renaissant, où vous pourrez appliquer les préceptes de l'orchesographie,
un Traité de 1588 en forme de dialogue grâce auquel "toutes personnes peuvent facilement apprendre et pratiquer l'honneste exercice des danses"(la pédagogue est Véronique Elouard). Après quoi, et en se rappelant que selon ce Traité, il est nécessaire pour le musicien de "bouger sa musique", on passe aux concerts, la plupart du temps redoublés, en des lieux archéologiquement significatifs. Ni Haydn ni Mozart dans ces partitions ne sont baroques, mais voici le jeune et brillantissime London Haydn Quartet qui synthétise l'écriture décisive du "Papa" (Josef) avec un op.9/4, du début, et l'ultime op.77/2, magnifique de beauté et d'énergie, et du "Fils"(Wolfgang) , par le non moins poétique et terminal quintette avec clarinette, K.581 (avec Eric Hoeprich). Encore le duo Haydn (Trio n°80) – Mozart ( 4 adagios et fugues K.404), et en écho une œuvre de l'Autrichien Josef Leopold (tiens, des prénoms de Papa!) Eybler, par Rincontro (Pablo Valetti au violon, Patricia Gagnon à l'alto, Petr Skalka au violoncelle). Un sommet absolu de l'histoire musicale, les Variations Goldberg où J.S.Bach commence l'épopée de la Grande Œuvre pour clavecin (ici: Luc Beauséjour) puis piano. 2006 voit le retour de Gérard Lesne, invité de la 1ère année Tarentaise, pour chanter avec le théorbiste Yasunori Imamura et le violoncelliste Jean-Christophe Marq airs de cour,folies, chaconnes et passacailles de l'Europe baroque: les Espagnols Vasquez, Narvaez, Ortiz, l'Italien Frescobaldi, l'Anglais Purcell, l'Allemand Kapsberger, les Français M.A.Charpentier et Lambert. Les voix humaines , si troublantes telles que nous les révéla Jordi Savall par la musique de Marin Marais et Sainte-Colombe, les voici en titre du duo violes de gambe que forment deux artistes canadiennes, Susie Napper et Margaret Little: Marais et Sainte-Colombe donc, et aussi Couperin et Lebègue, pour un portrait instrumental en original ou en transcription. Si ceux-là sont plutôt du côté des ombres errantes, le voyage que nous fait accomplir Musica Temprana (interprètes d'instruments et de voix féminines, sous la direction d'A.Rodriguez Van der Spoel) va vers le soleil éclatant du baroque d'Amérique Latine: la plupart du temps restées anonymes, ces compositions écrites au Pérou ou en Bolivie du XVIIIe célèbrent la Vierge Marie, mais aussi "la femme ingrate et l'amour sauvage". L'ensemble Jachet de Mantoue célèbre, lui, la Renaissance, autour d'une thématique biblique: "Jacob et David, l'amour d'un père. L'Europe allemande, française et hispanique y varie cette histoire sacrée dans sa dramaturgie très affective" Le Beduschi's Trio marie la voix (Vera Ehrensperger), la harpe (Angélique Mauillon) et la flûte (Luis Beduschi): c'est pour mieux faire sentir les tendresses de la Renaissance anglaise ou flamande. Le Quintette à vents du Concert Impromptu nous fait faire, lui, un grand saut vers le XXe et les musiques alternatives, en un hommage à Frank Zappa dont on pourrait dire qu'il pratiqua un mélange des genres et des modes de jeu tout…baroque.
(T. 04 79 38 83 12; www.francefestivals.com )
Ph.: L'angelot baroque qui veille sur le festival © DRD (Droits Réservés à Dieu ;-)

TRICASTIN (Musicales en)
 / généraliste autour d'un stage / Rh-A.sud (26) / 150m / 6 fois entre 21 et 29/07.
Les stagiaires apprennent et montrent à la fin des opérations ce qu'ils savent accomplir, ainsi à propos de la "question au programme", le Dixit Dominus de Haendel et le Kyrie de Vivaldi, tous dirigés par Karine Locatelli (une de leurs enseignantes). Instrumentistes et chanteurs le font aussi dans des Moments Musicaux et un Concert Découverte ouverts au public. Les Debussy viennent avec la version quatuor du… Requiem de Mozart, l'authentique et unique de leur saint patron, Claude-Achille, et la Méditation de Guillaume Lekeu. Pierre-Laurent Boucharlat (autre enseignant) fait visiter Chopin (Barcarolle, 2e Ballade), Schumann (Carnaval de Vienne) et Moussorgski (Les Tableaux). Monsieur Croche, pseudo de Debussy adonné à la critique parfois acerbe et souvent drôle, est parlé, mis en scène (Bernard Rozet) et musiqué, par Jeanne-Marie Lévy, P.L.Boucharlat, Philippe Noncle.
(T. 04 75 05 14 09)

UZES
  / généraliste  Languedoc nord (30) / 100m /
 7 fois entre 20 et 28/07.
"Outre les réjouissances faites ici par l'ordre de notre évêque pour la naissance de Mgr le Dauphin, nos consuls voulant aussi en signaler leur joie, firent un feu dont le succès répondit des mieux à la beauté du dessein…
Après que la Renommée eut fait sonner trois fois un cor chargé de pétards, une colombe partit tenant à son bec un rameau d'olive et vint allumer l'artifice…
Et tout allait semer en l'air une infinité d'étoiles…"
La Gazette d'Uzès racontait ces festivités il y a 346 ans, et peut-être que les Nuits Musicales, qui sont des gamines de 35 ans, voudront réitérer l'action pour leur festival, ainsi que le rapporte le délicieux petit livre des Lettres du très jeune Racine exilé au fin fond des garrigues. En tout cas, tout semble bien aller en ces Nuits généralistes, grâce à un public fort bien disposé pour ne pas écouter que du classico-baroque, et par exemple à conclure la session par le feu d'artifice tzigane de Roby Lakatos. Evidemment on ne risque pas vraiment le coup de folie en allant revoir Les Choristes, alias les Petits Chanteurs de Saint-Marc (Nicolas Porte), mais peut-être l'aimable mixage de Caccini, Pergolèse, Mozart, Fauré, Casals, Rutter ou Miskinis poussera-t-il les auditeurs à réclamer en bis quelque Nuits de Xenakis et ces charmants enfants à étendre leur répertoire. Et c'est une bonne idée de faire s'affronter par duel esthétique sans arrière-pensée empoisonnante Mozart en son Requiem et Salieri en une moins mythique Messe de l'Empereur, extraite d'un catalogue religieux dont on nous rappelle opportunément qu'il comptait une centaine de partitions. N'oublions pas qu'en dehors des élucubrations très people-Sonntag-presse sur la rivalité des deux musiciens, Salieri fut un très grand compositeur et pédagogue, Maître en composition de Schubert, et de celui avec qui Franz, à la fin de sa vie, voulait prendre des leçons de contrepoint et donc d'écriture rigoureuse, Simon Sechter. C'est le Luxembourgeois et très européen Pierre Cao, habitué des grandes partitions sacrées du baroque et du classique, qui dirige ses Chœurs Arsys de Bourgogne et le Stradivaria, dont Daniel Cuiller est premier violon (et d'habitude chef). Pour aller vers plus intime, songer que le Trio de Parma, augmenté du pianiste Alberto Miodino, de l'altiste Massimo Piva et du contrebassiste A.Sciancalepore ira vers la profondeur pré-romantique du 2nd Quatuor avec piano (K.493) et vers les transparences du Trio K.548 ou du Quintette schubertien dit de La Truite. De même le violoniste serbe Nemanja Radulovic et la pianiste française Laure Favre-Kahn iront de Schubert en Brahms et Grieg, réservant un autre feu d'artifice pour la Fantaisie-Carmen de Sarasate. En baroquie – l'un des points forts des Nuits uzétiennes - , l'irremplaçable Stabat Mater de Pergolèse ("divin poème de la douleur", selon Bellini) et des cantates de Vivaldi sont interrogés par Martin Oro, Francesca Cassinari et l'Astrée, ensemble chambriste turinois de l'Academia Montis Regalis. Un autre ensemble au doux titre de Il Ritorno dell'Amore (deux instrumentistes américains, une française et une grecque…) visite langueurs tendres et songeries rêveuses de Marin Marais, Couperin et Rameau. Et côté soliste, le toujours romantique Jean-Marc Luisada itinère dans 8 mazurkas, la Fantaisie op.49, un Nocturne et la 3e sonate de son cher Chopin.
(T. 04C 66 62 20 00; www.nuitsmusicalesuzes.org )
Ph.: Nemanja Radulovic ©DR /
www.nemanjaradulovic.com

VERBIER
 / généraliste symph.et chambre / Suisse-Valais / 1500 / 46 fois entre 21/07 et 06/08.
En 2006,il y a même sur les alpages l'opéra, avec le Simone Boccanegra de Verdi, l'UBS Festival, le Collegiate Chorale de New-York et les solistes (C.Guelfi, F.Fuelanetto, C.Taylor, B.Frittoli…) dirigés par James Levine. Le tout-Mozart pour certains programmes: Emmanuel Ax avec l'UBS (dir. Gabor Takacs-Nagy) joue une triade de concertos (K. 413, 482 et 595), ou soliste (sonate K.311) et chambriste avec l'altiste D.Carpenter, le violoniste L.Kavakos et le violoncelliste J.Moser (1er quatuor avec piano K.478, sonate K.296). L'UBS (dir. par D.Sitkovetsky) accompagne Barbara Hendricks et José Van Dam dans plusieurs airs d'opéras et avec orchestre, et Emmanuel Ax dans le 25e de piano (K.503). Mais le fêté du 250e anniversaire est fort présent, en partage avec d'autres compositeurs: pour le pianiste Lang-Lang ( sonate K.330, avec Chopin, Rachmaninov et Liszt), pour le duo piano(J.Quentin) et violon (N.Bhenedetti) avec la sonate K.454 (Franck et Saint-Saëns), , avec le Phaedrus Quartet (l'essentiel Quintette K.593, Yuri Bashmet) qui joue aussi le non moins essentiel 15 e de Schubert, avec le duo piano(Jeremy Denk) et violon(Joshua Bell) dans la sonate K.301. Leonidas Kavakos est avec l'UBS Festival qu'il dirige pour le 5e de violon et la 38e Symphonie K.504. Tout-Beethoven pour une clôture du festival en IXe Symphonie, James Levine dirigeant l'UBS, le Collegiate Chorale et 5 solistes (parmi lesquels Thomas Quasthoff). Les pianistes russes sont du côté de chez Chopin (et en miroir, Godowsky) pour des Etudes, grâce à Boris Berezovski, tandis que Nikolai Lugansky joint Rachmaninov (Moments musicaux, 2e sonate) à Chopin (3e sonate). Des cartes blanches à Leif Ove Andsnes, qui joint Mahler et Moussorgski à Mozart, et à Thomas Quasthoff qui choisit aussi Mahler (Lieder du compagnon errant, transcrit par Schoenberg), Brahms et le jazz… Yuri Temirkanov dirige l'UBS, d'abord dans Chostakovitch, Schumann (le concerto de piano), Bartok et Liadov (les solistes sont E.Kissin, M.Maisky et Y.Bashmet), puis dans Dukas, Schedrin et Lalo (la Symphonie Espagnole de Lalo, avec Vadim Repin). Dans l'ordre de la musique du second XXe, qui n'est pas l'une des spécialités de Verbier, on ne manquera pas d'assister à l'intégrale des XX Regards sur l'Enfant Jésus, l'une des partitions essentielles de Messiaen, par Christopher Taylor.
(T. 41 (0)21 925 90 60 ; www.verbierfestival.com )

VOCHORA (Tournon)
 / toutes voix / Rh-A sud (07)150 à 500m / 14 fois entre 07/07 et 02/08
Aucune raison d'éviter le Requiem… de Mozart, puisqu'évidemment Anniversaire peut sembler y obliger, mais surtout parce que le propos de Vochora est centré sur la voix dans tous ses états, et qu'en situation soliste ou collective, il y a parfaitement lieu d'y consacrer son énergie et sa recherche. Le patron du festival, Gérard Lacombe , ne fuit donc pas ses responsabilités, et ouvre les fêtes par sa version du Requiem, à la tête de l'orchestre Musica Poetica et des Chœurs Madrigal, Polyphonia et Clé des champs. Après ce centrage classico-dramaturgique, Vochora entreprend ses itinérances terrestres et maritimes. Ainsi, très loin, le Huun Huur Tu de la république de Tuva (vous voyez sur l'atlas, du côté de la Polynésie, c'est-à-dire des îles innombrables…- apporte son chant diphonique et sa voix de gorge. Du fond des âges musicaux, fussent-ils européens d'ouest, le chant grégorien vient rappeler que sans le latin, il est possible que la messe nous… ennuie (Chœur du Stage Vochora, dir. Laurent Jouvet). A l'est encore, les voix de Géorgie (Simi), celles de Turquie (Chœur Ankapella, dir. Ahter Destan). Toutes chargées de musiques jolies, tantôt venant d'Occitanie (Cor de la Plana), et tantôt d'Italie (très méridionale, avec Tempo Reale), les voix alterneront avec celles du nord extrême (chœur suédois d'Uppsala, dir. Allmmäna Sängen), et d'origine peu cernable mais… aujourd'hui très basque (Lurra, dir. Jordi Freixa). A moins qu'il ne s'agisse de l'extrême-ouest, une spécialité de Vochora, dans le Gospel (Ensemble Soul Gospel), ou en remontant dans le temps européen, d'un hommage à ce qui est désormais le classique du baroque italien, le Stabat Mater de Pergolèse (d'ailleurs, est-ce baroque, cette lamentation?), Vivaldi et Scarlatti, par l'ensemble Artemusia.
(T. 04 75 08 10 23; www.festival.vochora.com )