Léonard : la chair de l'orchidée Par Odile BlancLe Musée des tissus de Lyon a ouvert début avril une véritable "saison" dédiée à la maison Léonard, spécialisée dans la création et la commercialisation de
tissus puis de vêtements imprimés, dont la notoriété est étroitement liée à la renommée acquise par les imprimeurs de la région lyonnaise. Léonard, c'est aussi l'une des dernières entreprises
familiales françaises solidaire de la réussite d'un de ses membres, Daniel Tribouillard, à la direction artistique depuis la fin des années cinquante, "inventeur" de la fleur
imprimée sur pull ou robe qui fit le succès de la maison dans les années soixante-dix. L'exposition présentée vaut donc pour une histoire de cette réussite comme pour une rétrospective de ces années de création.
C'est le portrait de Daniel Tribouillard qui accueille le visiteur au seuil de cette exposition, avec en regard un autre portrait, celui de la Joconde revêtue d'une
robe Léonard à l'imprimé fleuri et chatoyant. La fleur, on le sait, est emblématique de la maison, plus précisément l'orchidée, qui sert de fil rouge à
l'exposition. Il y a trente cinq ans, lorsque Daniel Tribouillard découvrait le Japon, c'était une fleur rare en Europe, dont les formes extrêmement variées
se prêtent particulièrement au dessin. Aujourd'hui, la maison Léonard a sa propre orchidée, un Cattleya de couleur fuschia omniprésente dans les robes créées par Daniel Tribouillard.
On découvre aussi, dans deux autres vitrines face à face au début de l'exposition, une inspiration aquatique déclinée sur deux robes de sirène avec
éventails et porcelaines, faune marine et couleurs d'eau fondues grâce à une technique de "poudré" où l'impression imite la peinture sur soie dans un effet
de relief saisissant. Ailleurs ce sont les imprimés panthère et tigre qui donnent lieu à une amusante présentation dans laquelle une statue du musée est
transformée en fauve. Les perles, pierres et broderies sont surabondantes dans certains modèles des années quatre-vingt, et plus récemment Véronique
Leroy a revisité l'Egypte copte ou les fleurons de la Renaissance, déjà présents dans des robes des années soixante-dix, pour rafraîchir la marque. Si
la passion de Léonard pour l'Asie et en particulier le Japon est amplement développée, elle n'est donc pas seule en lice. La dernière salle est d'ailleurs
consacrée aux sources d'inspiration de Léonard, où se déploient des créations – moins connues – venues du monde du théâtre ou de l'opéra, mais aussi du
colorisme d'un Delaunay ou même d'un Van Gogh, comme du futurisme qui donne lieu à d'intéressantes compositions cinétiques en noir, blanc et argent.
Léonard c'est aussi et même en premier lieu une technique de tricotage spécifique (fully fashioned) mis au point à la fin des années cinquante et qui a
fait la renommée de la marque. L'on sait gré au musée d'avoir suivi en détail la fabrication de ces pulls imprimés, élaborés avec les savoir-faire de la région
lyonnaise et Nord-Isère. Pendant dix ans Léonard prospère grâce à ces pulls, avant que ne survienne une nouvelle venue, la maille interlock, sorte de jersey
de soie dans lequel sont confectionnées les robes Léonard, "150 grammes de bonheur" qui habillent les femmes des années soixante dix. Si cette exposition
est un panorama complet des activités de l'entreprise (jusqu'aux parfums et accessoires), qui se sont diversifiées depuis le succès du fameux pull, il reste
que ces années, dont témoigne un portant empli de pulls, tuniques et jerseys attendant la coupe, restent les plus intéressantes au visiteur d'aujourd'hui, sans
doute car elles conservent la trace d'une recherche qui a su allier technique et dessin, dans un esprit vraiment fully fashioned.
Léonard Paris. Impressions de mode
Du 07 avril au 08 octobre 2006 / Musée des tissus de Lyon www.musee-des-tissus.com |